LAZARUS T7: RISEN

Parfois le mélange des genres ne réussit pas, on ne sait pas pourquoi mais c’est comme ça. Mais il arrive que quand les thèmes sont combinés avec subtilité, la mayonnaise prenne. C’est le cas de Lazarus de Greg Rucka et Michael Lark chez Glénat Comics dont le septième volume, Risen est un mixte parfait entre récit d’anticipation, géopolitique et action.

Un bref résumé des tomes précédents :

Dans un futur plus que proche, le monde tel que nous le connaissons n’existe plus au niveau géographique et nominatif. La carte mondiale est désormais divisée en familles, la planète porte le nom de ces quelques castes richissimes qui la régentent. Tout en haut de la pyramide, il y a les privilégiés. Ceux qui les servent sont des serfs et le restant est considéré comme des déchets. Pour qu’un certain équilibre soit respecté et ainsi éviter les bains de sang entre chef de tribu comme à l’époque de la prohibition, il a été convenu qu’une guerre entre « capos » doit se régler avec des soldats spécifiques appelés lazares. Ils représentent leur branche et ont la douloureuse mission de gagner les conflits qui les opposent les uns aux autres. Notre héroïne principale s’appelle Forever, elle est l‘émissaire du clan Carlyle et c’est une vraie machine à tuer. Modifiée et améliorée génétiquement, éradiquer est sa seule raison d’exister et le reste n’a que peu d’importance. Il faut bien avouer que cette charmante amazone est la meilleure dans sa catégorie comme un célèbre mutant canadien griffu.

Retour au présent :

Malcom digne patriarche des Carlyle a été empoisonné et c’est à sa fille Johanna d’être à la tête de la lignée. Forever n’était là que pour massacrer dans les règles de l’art tous les opposants de son cher paternel. Désormais sa principale motivation est de négocier avec sa sympathique frangine. La mercenaire a eu vent qu’elle possédait une petite sœur in vitro, qui pourrait bien la remplacer en cas de disparition soudaine. La nettoyeuse se plie aux désidératas de Johanna avec la promesse de rencontrer Eve (le bébé éprouvette). Mais avant, elle devra s’acquitter de la lourde tâche d’éliminer Rudy Aklaq, un « prestataire » félon des Carlyle ainsi que le boss Vassalovka, grand dirigeant de l’ancienne Europe de l’Est. Notre soldat devra faire face à des adversaires rivalisant de cruauté avant de pouvoir arriver à ses fins. La manipulation génétique aidant beaucoup, la régénération et l’excellence au maniement des armes vont s’enchaîner à un rythme effréné. Le tout mâtiné de complots, trahisons, meurtres, et surtout de tactique quand il est question de politique. La force agissante d’un véritable tank humain sur pattes.

Toujours pas motivés pour une petite séance de lecture dantesque et relevée ?

Greg Rucka est le brillant coordinateur de cette fresque futuriste aux effluves de capitalisme voire de libéralisme musclé. Scénariste émérite, il cadence son histoire avec décontraction, brio et sans temps morts. Un tempo parfait qui ne nous fait pas décrocher une seconde jusqu’à la page finale. Une excellente gestion des dialogues alliée à une narration qui donne la part belle à l’épopée et la tragédie. Tout cela en y intégrant une parabole sociale qui concède plus de crédibilité et de cohérence pour fournir un scénario bougrement efficace. Autre point marquant chez Rucka, il est l’auteur qui sait écrire et donner ses lettres de noblesses aux femmes fortes. Fini le grand type caucasien trentenaire, aventurier et plutôt bel homme qui vit des aventures extraordinaires aux bras de la belle pépé. Nous sommes au vingt-et-unième siècle quand-même, terminé la bande dessinée machiste de grand-papa. Chez l’ami Greg, les nanas sont aussi balèzes que les mecs. Elles prennent plus de pêches dans la gueule et en distribuent tout autant mais avec standing. Les dames prônent l’égalité des sexes. Des personnages féminins puissants qui sont travaillés avec le même respect et la dimension psychologique que leurs homologues masculins. Maintenant la gente féminine montre qu’elle en a dans le bénard et il n’y a qu’à regarder la production de ce conteur exceptionnel pour appuyer mon argumentation. Lisez Black Magic, The Old Guard, Queen and Country, Stumptown, Veil, Whiteout pour en être convaincu. Rucka a aussi écrit certaines des plus belles pages de comics mainstream avec Wonder-Woman, Batwoman, Gotham Central en tandem avec Ed Brubaker et leur inoubliable Renée Montoya.

Michael Lark assure la partie graphique. Dessinateur de Scène De Crime, GCPD et Daredevil qui sont des titres éblouissants aux climats « dark » mais aux issues fatalement cafardeuses. Il est le collaborateur idéal pour ce type de projet. La conception et la mise en page dans son approche sont de vouloir appliquer un trait juste avec une attention toute particulière portée aux proportions et à l’anatomie de ses personnages. Afin de proposer une vision la plus fidèle possible de la réalité sans tomber dans la surenchère du photoréalisme, il travaille sur un format de cases rectangulaires larges. Son dessin est espacé, aéré pour fignoler les détails et arrières plans. Une image propre et soignée afin de pouvoir employer un cadrage et une composition panoramique. Il en est de même pour son encrage et le traitement des couleurs de Santi Arcas. Ils sont tour à tour tout en finesse et en sobriété pour suivre la courbe parfaite du crayonné. Le crayon et la plume sont combinés à une colorimétrie blafarde avec pour résultat une imagerie optimisée. On baigne dans une atmosphère borderline servant admirablement bien la série. D’immenses artistes attentifs et méticuleux, que rêver de mieux ?

En conclusion, Lazarus est un titre indépendant remarquable. À contrario du commercial qui s’est ankylosé avec sa multitude de « girls » aux formes généreuses, à qui l’on fournit malheureusement des intrigues bien creuses (sauf Jessica Jones et Diana Prince bien-sûr). Un indispensable de plus à rajouter à votre PAL (pile à lire).

Chronique de Vincent Lapalus.

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