Partie 3: La conscience d’Arcan de son image

La conscience d’Arcan de son image

Nelly Arcan semble consciente de son image dérangeante. Dans une entrevue donnée à l’Actualité, elle affirme que « quand on [la] lit on peut penser qu‘ [elle est] une bitch » (1). Le choix d’un titre aussi dérangeant que Putain, d’une histoire aussi hors du commun avec des propos crus et de la mention « Récit » sous le titre ne peuvent évidemment pas laisser le public sans jugement. Son choix de publier sous un pseudonyme n’est à mon avis pas innocent même si elle assume que « c’est une décision prise à la légère » (2). Plus loin dans la même discussion, Arcan affirme qu’ « il ne vaut pas la peine de faire un scandale dans [s]a famille » (2) si le roman ne fait pas un tabac. Même si elle avait pu prévoir les nombreuses acclamations qu’a reçues son premier roman, je ne crois pas qu’elle l’aurait signé « Isabelle Fortier », puisqu’elle affirme aussi, dans une entrevue donnée à La Presse en 2004, que la décision a été prise dans le but de « marquer une distance avec l’écriture qu’[elle] déployai[t] dans [s]es livres » et de « créer un personnage capable d’endosser la brutalité, la haine et le caractère sans issus de ce qu’[elle] écrivai[t] » (3). S’attendait-elle à recevoir des jugements sur son roman et son passé d’escorte? Savait-elle qu’elle n’avait pas la confiance nécessaire pour accepter les critiques qui viendraient? Dans une entrevue donnée au Voir, elle affirme avoir angoissé à l’idée de voir son roman publié : « Qu’allaient dire mes proches? Il allait y avoir des conséquences, j’avais peur. Ce ne sont pas des choses très gaies que je raconte… » (4). Isabelle Fortier a craint les représailles sur sa famille. Elle était tout à fait consciente des conséquences qu’un tel premier roman, qui la représente elle et sa façon de voir la vie, pouvait engendrer. C’est pourquoi, je crois que l’auteure n’a pas fait un choix totalement innocent en publiant son roman sous le pseudonyme « Nelly Arcan ».

Dans ses entrevues, Nelly Arcan tient à ce que son passé d’escorte ne soit pas le sujet premier. Elle désire « qu’on [l]’écoute, qu’on [la] voie, comme une écrivaine. » (4) Le pseudonyme prend tout son rôle ici. Isabelle Fortier, c’est Cynthia, c’est la Putain tannée de voir sa mère comme une « larve » et de voir son père en chaque client. Nelly Arcan, c’est l’écrivaine qui dénonce cette vie triste illustrée par son héroïne et qui sait manier la plume d’une manière extraordinaire.

Bibliographie

(1) SAINT-HILAIRE, Mélanie, « La deuxième vie de Nelly Arcan », L’Actualité, [En ligne],     15 septembre 2007, http://www.lactualite.com/culture/la-deuxieme-vie-de-nelly-arcan/ (Page consultée le 25 février 2016).

(2) LAROCHELLE, Claudia. Je veux une maison faite de sorties de secours : réflexions sur  la vie et l’œuvre de Nelly Arcan, 1ère édition, Montréal, VLB éditeur, 2015, 236 pages.

(3) Nelly Arcan, [En ligne], http://nellyarcan.com/index.php (Page consultée le 25 février 2016).

(4) NAVARRO, Pascale, « Nelly Arcan : Journal intime », Voir, [En ligne], 5 septembre 2001, https://voir.ca/livres/2001/09/05/nelly-arcan-journal-intime/ (Page consultée le 25 février 2016).

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