Le Brésil : quelques jalons introductifs

Avant de pouvoir parler des dynamiques territoriales au Brésil, il me semble nécessaire de faire un petit briefing sur ce grand pays d’Amérique latine lusophone.

 

Voici pour commencer trois miniatures représentant les 3 capitales successives du Brésil, correspondant à trois moments de son histoire. La première  capitale est Salvador de Bahia qui se trouve sur la côte du Nordeste (aujourd’hui la région la plus pauvre du Brésil) mais qui a été  la région la première mise en valeur grâce aux grandes plantations de canne à sucre et aux esclaves amenés d’Afrique.

La seconde capitale est Rio de Janeiro, grand port,  qui est devenue la capitale à partir de 1763 et qui a connu dans la deuxième moitié du XIX e siècle et la première moitié du XXe siècle une sorte d’âge d’or qui en a fait une ville moderne, européanisée avec musées, universités…

La troisième capitale, à partir de 1960, est Brasilia, ville nouvelle fondée sur le plateau intérieur à plus de 900 km de Rio. Elle symbolise la continentalisation du Brésil et la volonté de développer l’intérieur et notamment l’Amazonie.

Brésil et ses voisins

Le Brésil est donc cet immense État d’Amérique latine lusophone qui a pour voisin au Sud et à l’Est un certain nombre d’États hispanophones (Uruguay, Argentine, Paraguay, Bolivie, Pérou, Colombie et Vénézuéla) et au Nord les 3 anciennes Guyanes (anglaise -Guyana-, hollandaise – Surinam- et française : notre département d’outre-mer.

Ainsi et, de manière originale, l’Union Européenne et le Brésil ont une frontière commune, il existe même un pont construit avec le financement de l’Europe qui relie les deux rives du fleuve qui marque la frontière  sur l’Oyapock. Il a été inauguré en 2017 (le projet avait lancé par les Présidents brésilien et français (Chirac) vingt ans auparavant.

point sur l'Oyapock

Le nouveau pont sur l’Oyapock reliant depuis 2017 le Brésil à la Guyane française : on est en pleine forêt amazonienne. La plus insolite des frontières de l’Union Européenne !

Brésil 5-5-7

Quelques éléments de repérage sur cet État sur lesquels on aura l’occasion de revenir sont présents dans le tableau suivant :

Brésil quelques repères

On y découvre quelque chose de facile à mémoriser : le Brésil est le 5e pays au monde par sa taille (derrière Russie, Canada, États-Unis et Chine), c’est le 5e pays au monde par sa population (derrière Chine, Inde, États-Unis et Indonésie) et c’est actuellement le 7e pays au monde en terme de RNB ppa (Revenu National Brut en parité de pouvoir d’achat) (Je préfère cet indicateur économique au PNB  (Produit National Brut) car il tient compte du fait que, dans les pays en voie de développement émergents, le coût de la vie quotidienne est encore très bas dans les campagnes et qu’avec un malheureux dollar on peut déjà acheter un certain nombre de choses pour se nourrir… ce qui n’est pas du tout le cas dans les pays comme les États-Unis ou l’Europe où le coût de la vie est considérablement plus élevé).

Le Brésil a devant lui la Chine, les États-Unis, l’Inde, le Japon, l’Allemagne et la Russie et juste derrière l’Indonésie, le Royaume Uni, la France et l’Italie (on remarquera au passage que ces 11 États sont tous membres du G20 -ceux qui sont membres du G7 sont ici en gras-.

Le Brésil est un pays émergent, qui termine sa transition démographique où comme partout en Amérique latine les inégalités sociales sont très importantes entre régions mais aussi entre une classe moyenne et aisée qui a un mode de vie comparable à l’Europe et des populations pauvres des favelas et des campagnes.

Le Brésil un grand État de l’hémisphère Sud marqué par la forêt amazonienne

On s’aperçoit que le Brésil s’étire en latitude de l’équateur (qui passe environ au niveau de l’embouchure de l’Amazone) au Sud du tropique du Capricorne  : la région du Sudeste se trouve donc en climat tempéré tandis que le reste du pays connaît un climat équatorial (chaud et humide toute l’année à l’origine de l’existence de cette forêt amazonienne) et un climat tropical (avec une saison sèche) sur le plateau brésilien où l’on trouve une végétation de type savane (qu’on appelle au Brésil le cerrado)

Amazone carte

 

On voit donc sur la carte précédente que l’Amazone (environ 7000 km de long) prend sa source dans la Cordillère des Andes, reçoit de très nombreux affluents ce qui explique son débit considérable (le plus important au monde). La ville de Manaus se trouve à 2000 km de l’embouchure et elle est accessible à des navires de haute mer.

port de Manaus

La ville et le port de Manaus : l’Amazone est si vaste qu’on se croirait sur un  littoral océanique alors qu’on se trouve à 2000 km de l’embouchure

Historiquement la forêt amazonienne n’a pas été exploitée par les colons portugais qui se sont d’abord installés sur la côte de Nordeste (pour y faire de la canne à sucre) puis ont pénétré dans l’intérieur (région dite du Sertao -qui a un climat tropical à longue saison sèche-.

Ce n’est que vers le début du XX e siècle que l’Amazonie va prendre un premier essor car on cherche à y exploiter la sève de l’hévéa  (le «latex»). L’hévea est un arbre natif de la foret amazonienne (hevea brasilensis). Le latex est utilisé dans la fabrication des pneu(matique)s, très importants, avec l’essor de l’automobile. Mais, très rapidement, le Brésil est détrôné sur ce créneau  par des pays asiatiques où l’on développe des plantations (comme à Sumatra dans les Indes Néerlandaises). Manaus s’endort…

L’Amazonie ne connaît un nouvel essor qu’à partir des années 1960 avec la volonté d’une colonisation agricole destinée à limiter la surpopulation du Nordeste et notamment celle du Sertao. C’est  un échec pour cette colonisation de petits colons car progressivement les terrains sont récupérées par de grosses entreprises capitalistes qui vont développer l’élevage et la culture du soja.

Le Brésil, un État indépendant depuis le début du XIX e siècle, une République depuis la fin du XIX e siècle

monument de l'Indépendance du Brésil Sao Paulo

Le monument de l’Indépendance du Brésil (7 septembre 1822) à Sao Paulo dit  « monument de l’Iparanga » (terminé en 1926). La dépouille de l’Empereur Pierre Ier y a été ramenée en 1972 à l’occasion du 150e anniversaire de l’Indépendance

L’histoire du Brésil est assez originale au XIX e siècle. C’est une colonie portugaise dès le début du XVIe siècle où l’on pratique l’esclavage.

Au début du XIX e siècle, quand la famille royale du Portugal est chassée par Napoléon, elle se réfugie au Brésil. Elle s’installe à Rio et le régent Jean décide de faire du Brésil un royaume associé au Portugal (et non plus une colonie). (Il est régent car le pays est gouverné à l’époque par la reine Marie sa mère qui est folle ! Il attend sa mort pour montrer sur le trône et devenir roi ce qui n’arrive qu’en 1816).

Quelque temps plus tard, devenu le roi Jean VI,  il repart au Portugal (qui vient de connaître une révolution libérale et lui impose une « charte » c’est-à-dire une Constitution). Il laisse son  jeune fils Pierre (1798-1834) comme Régent du Brésil. Ce dernier refuse de rentrer au Portugal et proclame l’Indépendance du Brésil en 1822 dont il est proclamé Empereur sous le nom de Pierre Ier. Sauf qu’il abdique du trône du Brésil en 1831 pour retourner au Portugal en proie à des troubles politiques puis meurt très jeune (1834). Il  laisse un seul fils Pierre, né en 1825, et qui ne devient Empereur sous le nom de Pierre II officiellement en 1831 mais n’est couronné qu’à sa majorité en 1841 (qui est un peu avancée car la Régence fonctionne très mal depuis dix ans : le nouvel empereur n’a que 16 ans et va régner jusqu’en 1889.

Ainsi la création de l’Empire du Brésil avec un empereur sur place (et non un lointain monarque résidant à Lisbonne) va avoir pour conséquence de maintenir l’intégrité de ce territoire immense (tandis que l’Amérique espagnole vient d’éclater en une vingtaine d’États). On va voir s’y développer la liberté de la presse, des élections avec des représentants.

Cet Empire  s’effondre en 1889,  notamment parce que les deux Empereurs successifs (Pierre Ier puis Pierre II) après avoir essayé d’abolir la traite depuis les années 1830, réussissent à  abolir l’esclavage en 1888, lésant les grands propriétaires qui adhèrent à la  République.

Loi d'or

Le texte officiel de la Loi d’Or qui abolit l’esclavage au Brésil en 1888 signée par la Régente Isabelle de Bragance (l’Empereur Pierre II son père est parti se faire soigner en Europe)

Une évolution politique du Brésil  mouvementée.

Le Brésil devient en 1889 une république fédérale et oligarchique, reposant sur les grands propriétaires terriens, les coronels dominée par les Paulistes (producteurs de café de Sao Paulo) et les éleveurs du Minas Gerais.

Les années Vargas

En 1930, un coup d’État renverse la république et met à la tête du pays  Getulio Vargas porté par les classes moyennes. Il  est élu légalement président en 1934, mais transforme le Brésil en dictature de 1937 à 1945 pendant la période dite de l’Estado Novo (État nouveau), d’inspiration fasciste (corporatisme et interventionnisme économique de l’État). Vargas est surnommé le «père des pauvres».

En 1942, le Brésil rejoint le camp des Alliés. L’armée renverse Vargas et met en place une démocratie multipartite, mais celui-ci revient au pouvoir par les urnes dès 1951. La longue carrière de Vargas continue jusqu’en 1954 (il se suicide accusé d’avoir commandité un attentat contre son opposant).  Des millions de Brésiliens descendent dans la rue pour dire adieu au «père des pauvres». Puis deux héritiers de Vargas dirigent le pays jusqu’à 1964 date à laquelle un coup d’État est organisé par l’armée.

La dictature militaire

Le pays connaît alors une dictature militaire de 1964 à 1985 (on est en période de Guerre Froide, le passage de Cuba au communisme -voir Cuba la pestiférée ?– inquiète les États-Unis alors qu’à l’époque il n’y aucun mouvement de gauche au Brésil susceptible de mettre en danger le régime justifiant un tel tournant politique).

Depuis 1985, le Brésil connaît à un nouveau un régime politique pluripartite, démocratique mais qui peine à fonctionner tant la corruption est durablement installée.

Les années Lula

La vie politique brésilienne a été marquée par l’élection de Lula, Président du Brésil de 2003 à 2011. Né dans une région très pauvre du Nordeste brésilien, ouvrier, syndicaliste, il a tenté de réduire certaines inégalités en se faisant élire sous l’étiquette du « parti des travailleurs ». Il s’était présenté 3 fois (1989,1994 et 1998 avant d’être élu). Comme il ne peut pas se représenter pour un 3e mandat en 2011 c’est sa chef de cabinet Dilma Rousseff qui a été élue jusqu’en 2016 date à laquelle elle a été destituée. Le tribunal était en train de juger les affaires de corruption concernant Lula (12 ans de prison en appel) qui pousse à l’emprisonner en 2018 et à le relâcher en 2019 (pour vice de forme).

Parmi les affaires financières les plus graves figure le scandale de Petrobras, la compagnie d’État pétrolière qui existe depuis 1953.

Depuis 2019 un nouveau Président d’extrême-droite est à la tête du Brésil Bolsonaro.