Hélène est professeur dans un collège ; son attention est attirée par Théo, un élève mutique et distant. Persuadée que son cas relève de la maltraitance, elle entreprend d’alerter sur son cas. Mais dans son désir de le protéger qui va tourner à l’obsession elle va outrepasser les limites de son métier.
Si l’histoire tourne essentiellement autour d’Hélène et de Théo, on y fait aussi la connaissance de Mathis, l’ami du lycéen, et de Cécile, sa mère. On devine rapidement et aisément qu’Hélène projette sur l’enfant son vécu et sa propre souffrance, persuadée de reconnaître les signes des mauvais traitements qu’elle a elle-même subis ; mais est-ce pour autant qu’elle a tort ?
En alternant le point de vue du professeur, des deux garçons et de la mère de Mathis, Delphine de Vigan nous donne à voir la détresse et l’immense solitude de chacun : les parents de Théo sont en pleine chute, l’une parce qu’elle ne s’est jamais remise d’une divorce sanglant, l’autre parce qu’il a sombré après avoir perdu son emploi, l’un comme l’autre désormais incapables de tenir leur rôle de parent ou totalement aveugle à ce qui arrive à leur fils, complétement démissionnaires.
Devenu le réceptacle de la colère et de la souffrance de ses parents, Théo cherche à trouver du réconfort là où il peut, à fuir et peut-être même davantage. Mathis quant à lui est tout entier absorbé par Théo dont il navigue sous l’aile protectrice, tandis que sa mère est trop occupée à ouvrir elle-même les yeux sur un couple bâti sur le mensonge (au passage un intéressant début de réflexion sur le visage caché des haters sur internet).
C’est étrange, d’ailleurs, cette sensation d’apaisement lorsque enfin émerge ce que l’on refusait de voir mais que l’on savait là, enseveli pas très loin, cette sensation de soulagement quand se confirme le pire.
En évoquant ces enfants sur les épaules desquels on fait peser des choses tellement lourdes, à qui l’on demande d’être forts, l’auteure dit aussi comme il est difficile de repérer et d’aider les enfants en souffrance, quand bien même les enseignants sont prévenus et l’infirmière scolaire alertée. Elle parle surtout de loyauté, loyauté à sa famille qu’on protège en se refusant à la dénoncer, loyauté à ses amis pour qui on est prêt à mentir, loyauté à son métier.
La fin de ce bref roman m’a gelé le coeur (ceux qui le liront comprendront), j’aurai voulu qu’il fasse quelques pages de plus pour éprouver plus qu’un sentiment de gâchis, être rassurée comme on peut l’être après avoir tourné la page d’une histoire qui se finit bien.
Parfois je me dis que devenir adulte ne sert à rien d’autre qu’à ça : réparer les pertes et les dommages du commencement.
LES LOYAUTES, Delphine de Vigan, JCLattès
Merci il a l’air superbe !
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Avec plaisir, il est vraiment marquant !
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Est-ce que tu veux dire qu’il manque une vraie fin ? Qu’il y a un souci avec la fin ?
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Ouille comment expliquer sans en dire trop ^^, oui la fin pose souci mais c’est un effet voulu par l’auteure, on en ferme le roman d’autant plus marqué et troublé…
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Je n’ai pas encore lu ce livre, mais l’auteur a une plume aussi délicate qu’incisive… autant dire que ses romans sont presque des bijoux…
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je suis très fan de Delphine de Vigan alors forcéement je vais le lire …
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Aaah là c’est obligé effectivement !
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Merci pour cette chronique qui donne envie!! Même si, comme Laurence, j’avais de toute façon prévu de lire ce roman… 😉
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Il y a des auteurs incontournables 😉
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Je laisse à nouveau un commentaire, le précédent « n’a pas passé » pour une raison que j’ignore…
Bref : je trouve l’écriture de Delphine de Vigan intense, fine et ciselée, mais n’ai pas encore lu ce livre ! J’ai souvent l’impression qu’elle pourrait écrire sur n’importe quel sujet, et qu’elle serait capable de le rendre passionnant.
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Je suis absolument d’accord avec toi 🙂 ! et ce dernier titre te donne raison…
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