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The Good Place [Saison 1] : Vers un monde meilleur

13 épisodes après un lancement mitigé, The Good Place a finalement refermé ses portes sur NBC cette année. Le paradis a-t-il finalement su se montrer à la hauteur de la hype ? Retour sur une saison haute en couleurs, entre frozen yogourt et leçons d’éthique.

The Good Place – NBC – 2016

Peut-être que les seuls qui accèdent vraiment au paradis sont ceux qui y croient. Avec The Good Place, il fallait en tout cas avoir un peu de foi dans la série pour véritablement accéder à son septième ciel sériephilique. Malgré un pitch unique en son genre, un casting de rêve réunissant Kristen Bell (l’éternelle géniale Veronica Mars) et Ted Danson, légende de la télé américaine (Cheers, CSI, Damages, Bored To Death…) et le scénariste reconnu et prolifique qu’est Michael Schur (The Office, Parks & Recreation, Brooklyn Nine-Nine) à l’écriture, il est vrai que l’arrivée au fameux paradis de la série a pu paraître quelque peu décevante. Pour autant, aussi convenu et gentillet que soit le pilot, il effectuait suffisamment efficacement son travail d’introduction pour que personnellement j’y perçoive un net potentiel de développement. Une saison plus tard, je suis heureux de constater que The Good Place a su récompenser les fidèles à son récit !

Kristen Bell - The Good Place - NBC - 2017

Kristen Bell – The Good Place – NBC – 2016

Le premier attrait de The Good Place, présent dès ses débuts, c’est bien entendu son concept fort et original, bref, son caractère high-concept. Ce qui en faisait automatiquement une série risquée, parce que sur le high-concept, dieu sait que nombre de séries s’y sont cassées les dents sur les networks. L’avantage de The Good Place, c’est d’avoir eu une commande d’épisodes directement limitée à 13, en phase avec la vision des auteurs. Cela leur évitait de se perdre dans des détours scénaristiques en se reposant excessivement sur le concept pour diluer les développements. Une vraie bénédiction de NBC j’imagine pour Michael Schur. Comme quoi, ça paye d’être fidèle, décidément. L’histoire de The Good Place se construit donc progressivement et de manière de plus en plus maîtrisée au fil des épisodes, pour former un tout cohérent.

L’univers bien défini par le pilot, avec ses codes farfelus et ses décors idylliques, a également servi de fondement propice à la créativité pour la série. Elle a su, surtout, ensuite y déployer une mythologie à chaque fois plus géniale d’absurdité comique. Là encore, les premiers éléments introduits, notamment les diverses perturbations de la Good Place, ont pu apparaître moyennement convaincants, n’étant, de plus, pas spécialement très bien servis par les effets spéciaux. Les auteurs ont visé plus juste avec des éléments mythologiques liés à la « bureaucratie » du paradis, servant également un effet satirique. Le compteur de points de bonnes actions et le détecteur de mensonges sonore sont pour moi parmi les meilleures trouvailles.

Kristen Bell & William Jackson Harper - The Good Place - NBC - 2017

Kristen Bell & William Jackson Harper – The Good Place – NBC – 2016

Au détour des bouffonneries, on peut aussi être impressionné par les thématiques sérieuses et ambitieuses qui sont abordées. La philosophie, l’éthique, la charité, le sens du sacrifice font régulièrement irruption dans les discours et parcours des personnages. The Good Place c’est ainsi une série qui cite Kant, Aristote, Platon, John Stuart Mill et explique des notions comme l’utilitarisme. C’est que mine de rien, le show est intelligent. Pas dans le sens intello horripilant non plus, l’écriture arrivant à faire preuve de pédagogie et n’affichant pas cela de manière trop ostensible.

Ce qui distingue, par ailleurs, The Good Place des autres comédies de networks actuelles et la rend d’autant plus addictive, c’est sa structure narrative particulièrement sérialisée. Qu’il soit format multi camera ou single camera, le genre de la comédie sur les networks tend généralement vers des intrigues bouclées en un épisode et occasionnellement des éléments feuilletonnants sont disséminés. Ces éléments ont d’ailleurs rarement à voir avec le surnaturel ou des mystères entourant des personnages. C’est plus le propre des drama… Lost en sait quelque chose. The Good Place, pour sa part, défie ces normes et se pose tranquillement en Lost de la comédie, justement. Elle maîtrise parfaitement son récit feuilletonnant avec des cliffhangers qui redoublent d’efficacité pour absolument chaque épisode. Du quasi jamais vu pour une comédie ! Elle cultive ainsi divers mystères pour nous tenir en haleine tout en réussissant à mettre en place des nouveaux enjeux, toujours plus étonnamment prenants, à partir de l’intrigue de l’imposture de Eleanor.

Ted Danson & Kristen Bell - The Good Place - NBC - 2017

Ted Danson & Kristen Bell – The Good Place – NBC – 2016

Si les débuts de la série pouvaient ne pas être tout à fait satisfaisants en ce qui concerne les performances très attendues de Ted Danson et de Kristen Bell, qui semblaient se retrouver dans des rôles assez limités, l’évolution fulgurante du récit leur est largement profitable. Ils parviennent à mieux s’affirmer comme leads charismatiques, notamment Kristen Bell qui peut mieux mettre en avant son talent grâce à l’épaisseur gagnée par Eleanor. Au fil des épisodes, il m’a semblé que celle-ci n’était d’ailleurs pas si intéressante pour sa dimension d’élément perturbateur et sa confrontation à un monde auquel elle n’appartient pas. Son immoralité originelle est source d’humour, bien sûr, mais elle finit vite par se tarir. Le personnage se révèle finalement plus riche dans sa quête de rédemption et ses tentatives maladroites d’intégrer des principes moraux et de se montrer plus vertueuse, alors qu’elle est fondamentalement médiocre. Alors Eleanor Shellstrop ne sera certainement pas le rôle de sa vie pour Kristen Bell, mais la qualité de son interprétation n’en est pas moins remarquable. Elle arrive à trouver le parfait équilibre dans son jeu pour incarner une ex-bitch crédible et la rendre attachante dans ses fêlures et ses efforts pour se rattraper.

Ted Danson, de son côté, a peut-être moins l’occasion de briller en tant que Michael, mais celui-ci s’avère en tout cas drôle à travers la contradiction entre son statut d’entité divine et son caractère hypersensible, facilement ébranlé par les dysfonctionnements de la Good Place. Il faut attendre le twist final de la saison, délicieusement exécuté, pour donner au personnage un nouvel éclairage le rendant déjà plus captivant.

Jameela Jamil & Manny Jacinto - The Good Place - NBC - 2017

Jameela Jamil & Manny Jacinto – The Good Place – NBC – 2016

La meilleure bonne surprise vient tout de même du casting secondaire. Il se constitue d’une galerie de personnages multi-ethnique (yay ! Diversitay ! On regrettera juste l’absence de personnages LGBT dans la Good Place en revanche…), habitants du paradis tous gentiment imparfaits. William Jackson Harper et Jameela Jamil sont tout simplement géniaux dans les rôles de Chidi et Tahani. Ceux-ci finissent par dépasser la fadeur et l’apparence aseptisée des débuts avec leur ralliement progressif à la cause de Eleanor, qui prouve alors tout l’intérêt des personnages. De plus, leurs conflits moraux qui se développent alors face aux règles de la Good Place servent de bon matériel comique. En parallèle, ils bénéficient aussi peut-être des backstory les plus touchantes.

Janet et Jason sont quant à eux à ranger dans une autre catégorie puisque la première n’est pas humaine et le second est un autre imposteur au paradis. Là encore, les deux acteurs sont de belles révélations, mais c’est définitivement Janet qui est la plus grande source de fun à travers ses mimiques de Siri humanisée. D’Arcy Carden, son interprète, a d’ailleurs un vrai don pour véhiculer l’ironie et l’absurde avec un jeu à la fois robotique et jovial. A mon sens, Jason ne commence, lui, à s’épanouir sur un plan comique, qu’à partir de son association avec Janet, justement, une des meilleures idées de cette saison.

La gestion des relations des personnages est également un facteur de la réussite de cette saison. Elle fait évoluer les dynamiques mais semble aussi se faire un devoir de ne pas tomber dans les tropes éculés de la télévision US. La série s’amuse même de nos attentes à ce niveau-là. Elle suggère notamment à un moment la mise en place d’un triangle amoureux, qui sera finalement vite désamorcé pour souligner l’indépendance des femmes du show.

Kristen Bell & D'Arcy Carden - The Good Place - NBC - 2017

Kristen Bell & D’Arcy Carden – The Good Place – NBC – 2016

La série se joue aussi des attentes des spectateurs en ce qui concerne son concept même, à savoir une imposture au paradis, et n’entretient, en fin de compte, pas très longtemps le statu quo. Elle est alors d’autant plus passionnante par cette volonté à vouloir constamment bousculer sa structure narrative et nous empêcher de savoir à quoi nous attendre. Mais loin d’être écrite à l’aveugle, la construction de cette saison est d’une maîtrise absolue et le twist du final met clairement cela en évidence. Il fait partie de ceux qui surprennent tout en ayant été minutieusement préparé tout au long de la saison. En plus, il permet de rabattre intelligemment les cartes pour offrir des bases fraîches et prometteuses pour une éventuelle suite.

La dernière qualité cachée de The Good Place, c’est peut-être sa critique habile des systèmes de sociétés idylliques. Sans être donneuse de leçons, elle l’articule finement à travers l’utopie qu’elle dépeint dont l’excessive rationalité n’empêche pas la souffrance et n’est pas immunisée contre les défaillances. Le récit met alors progressivement en garde contre les apparences pour finalement questionner la notion même de paradis.

En bref, si j’ai pu avoir mes doutes au départ, The Good Place m’a finalement séduit parce que sous ses airs de série loufoque et feel-good, elle est beaucoup moins tarte et inoffensive qu’on pourrait le croire. Sa fonction comique finit par devenir très bien rodée après quelques ratés, réussissant à exploiter un joli mélange d’absurde, de référence pop-culture et de contrastes. Mais c’est surtout sa déconstruction étourdissante de la moralité qui en fait une série divinement réussie.

8/10

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