L'Art du Roman·Que jeunesse se fasse...

Villa Anima – Mathilde Maras

Ma mère me racontait cette histoire pour me rappeler que la liberté valait toutes les épreuves. Défendre sa liberté nécessitait des sacrifices qui nous rendaient plus féroces. Le prix à payer pour celui qui la volait serait toujours le plus lourd.

Rien n’est évident lorsque l’on a seize ans, que l’on est une jeune femme et que l’on grandit dans l’Empire de la Main. Se taire. Accepter. Appliquer. Se soumettre. Nulle autre voie. Nulle opportunité d’échapper au destin bien tracé pour vous. Le seul chemin de traverse possible est la Villa Anima. Pousser sa porte peut garantir à celle qui ose le faire un accès à la liberté qu’elle ne saurait obtenir autrement. Mais entrer dans cette villa dangereuse peut également coûter le prix fort sachant que nombreuses sont celles qui n’en sont jamais sorties. L’enjeu est trop grisant et salutaire pour que Magda hésite trop longtemps.

C’était comme pénétrer dans le ventre d’un animal. Rouge sang le tapis, rouge sang le velours des coussins, rouge sang le plafond capitonné. Magda monta dans l’estomac de la bête. Le battant se referma derrière elle avec un bruit sourd et la clef tourna dans la serrure, lui coupant toute retraite.

Prenez un livre qui jouerait sur les codes de la dystopie et aurait dans ses pages quelque chose d’Hunger Games et de La Servante écarlate. Incontestablement, l’aura de ces deux romans plane au-dessus de ce titre. Le premier pour les défis à affronter au cœur d’une villa mystérieuse dont le prix offre les clés d’une liberté viscéralement désirée. Le second pour cette société hiérarchisée à l’extrême qui contraint une jeune fille à se battre pour disposer de ses libertés fondamentales.

Qui pourrait croire que la vengeance a la douceur d’une écharpe de soie ?

Mathilde Maras se frotte ainsi à cet univers qui trouve son public dans le monde de la littérature. Elle fait de son héroïne une femme battante, intelligente et vaillante qui prend goût au défi et à la défiance. En colère contre un système autoritaire et patriarcal qui contraint celles et ceux qui auraient eu le malheur de ne pas naître au bon moment ni au bon endroit, elle ose l’impertinence et se croit intimement capable d’affronter une épreuve qui repose sur la crainte de l’inconnu et qui jouit de sa cruelle réputation.

Elle mimait le bonheur, la gratitude et parvenait même, devant certains, à jouer la fureur de vivre.

Villa Anima s’inscrit ainsi dans le prolongement des romans dans lesquels le goût de risque met en péril bien des existences. De facture, de construction et de style assez classiques, ces pages mettent en avant l’importance et la nécessité de croire en soi et de dépasser certaines de ses craintes. Le but de ce genre de récit étant aussi de questionner le fonctionnement d’une société, j’aurais je crois aimé qu’il s’enrichisse d’une réflexion plus étoffée sur ce point. Parce que cette littérature doit – au-delà du monde qu’elle invente et dépeint – réveiller des questionnements sur les failles tangibles de notre monde et poser les jalons d’une réflexion politique qui n’est hélas ici qu’effleurée.

D’un point de vue narratif, notons également que les quelques épreuves auxquelles l’héroïne est confrontée s’enchaîneront rapidement et avec un peu de trop de facilité aux yeux de celles et ceux qui aiment les rebondissements ou les intrigues complexes. Me concernant, j’aurais aimé peut-être un peu plus de noirceur (encore et toujours) dans cet univers auquel il manque – parfois – cette atmosphère anxiogène saisissante, cette tension troublante qui confèrent toute leur puissance aux récits dystopiques.

Un titre parfait pour les personnes peu confrontées à cet univers littéraire, mais qui se révèlera – il faut bien l’admettre – légèrement frustrant pour les habitué·es du genre.

Prolongements et échos littéraires :

Villa Anima – Mathilde Maras
Éditions Gulf Stream – Collection ECHOS
 16,50 € / 300 pages / 2021
Littérature jeunesse – Dystopies, uchronies et récits post-apocalyptiques

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