Affiche du film L'enfer des anges

Laissé pour mort par son père qui le bat, un jeune garçon se réveille amnésique. Il trouve refuge dans une cité miséreuse de l’est parisien, auprès d’une jeune fille, elle aussi, sans famille.

Ayant abordé tous les genres au cours de sa prolifique carrière, à la manière d’un Robert Wise aux États-Unis, Christian-Jaque a laissé derrière lui une œuvre difficilement classable et L’enfer des anges reste, sans doute, l’une de ses réalisations les plus méconnues. Sélectionné en compétition officielle pour la première édition du festival de Cannes, qui devait avoir lieu en septembre 1939, le film ne trouva le chemin des salles qu’en 1941, après l’entrée en guerre et la défaite de la France face à l’Allemagne.
Loin d’être anodin, ce mélodrame sur l’enfance maltraitée peut-être considéré comme le versant sombre du célèbre Les disparus de Saint-Agil réalisé un an plus tôt par Christian-Jaque avec le même trio de jeunes comédiens (Jean Claudio, Serge Grave et Marcel Mouloudji), le même auteur (Pierre Véry) ainsi que le même musicien (Henri Verdun).
Ici, les rêves d’aventures liés à l’enfance, qu’évoquait poétiquement Les disparus de Saint-Agil, ont laissé place aux désenchantements de l’adolescence et aux affres de l’entrée dans l’âge adulte.
D’une surprenante noirceur, L’enfer des anges préfigure, à sa manière, le néoréalisme italien dans sa description plutôt crue d’une cité de l’est parisien grouillante d’enfants livrés à eux-mêmes. Une vision réaliste que le cinéaste contrebalance par une esthétique aux accents expressionnistes jouant sur le clair-obscur et les ambiances presque fantastiques, à l’image de cette découverte nocturne du faubourg miséreux où se réfugient Lucette et Lucien ou de ces gros plans, en contre-plongée, sur d’inquiétants visages. Une atmosphère parfaitement mise en valeur par les remarquables dialogues de Pierre Laroche (« Laisse le, les grands ça donne jamais rien, ça donne que des baffes. » dit un petit en parlant de Max) et par la belle musique composée par Henri Verdun.
Cinéaste de l’enfance, Christian-Jaque a su s’entourer d’une savoureuse distribution de gamins pleins de gouaille et a trouvé, en la personne de Louise Carletti, une attendrissante héroïne. Face à eux, les adultes sont un peu plus effacés. Dans un rôle secondaire de cafetier, Bernard Blier joue les utilités. Quant à Lucien Gallas, il paraît un peu fade en père de substitution protecteur et bienveillant. Heureusement que deux performances sortent du lot. En clochard au grand cœur, Dorville (dont ce fut l’un des derniers films) compose un attendrissant père La Loupe tandis que Jean Tissier, par sa remarquable prestation, offre au cinéma français une crapule d’anthologie aussi sournoise que détestable.

Deuxièle affiche du film L'enfer des anges

Comme pour La belle équipe de Julien Duvivier (1936), le film aura deux fins : l’une pessimiste et conforme à l’esprit du film, l’autre optimiste. C’est cette dernière qui a été retenue pour la première version d’exploitation du film en 1941 car moins désespérante pour le public. Si on ne peut que le regretter, L’enfer des anges n’en demeure pas moins une véritable réussite à laquelle il faut absolument redonner sa place au panthéon des grands classiques du cinéma français.