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Les saigneurs des anneaux

Depuis quelques semaines, les télévisons, les radios et les publicitaires nous vendent images et reportages à propos des Jeux olympiques et paralympiques. Tout au moins sur certains aspects. L’enthousiasme du public est obligatoire ! L’État se fait étrangement prodigue pour que la « grande fête du sport » occupe « la part de cerveau disponible » du pays durant quelques semaines. Faire société nécessite, certes, du rite et de la croyance partagés pour qu’existe un sentiment « choral ». Pour autant, faut-il s’en remettre à la « société du spectacle » pour y parvenir dans un renfort de clinquant nigaud perpétuant les idéologies les plus néfastes avec l’appui et au au service de l’argent maître de tout ?

De la lumière à « l’obscure clarté »

L’allumage et la circulation de la flamme olympique occupent nos médias – rien ne se passant par ailleurs dans le monde. Nous avons le sentiment que quelque chose de sombre se tapit dans cette exposition de lumière. Une sorte de culte rendu plus à l’obscurité qu’à la clarté.

 

« Comme une lampe allumée… » : des significations majeures sont universellement partagées autour d’une telle image. Ce qui provoquait la peur et la mort – le feu – est enfin signe de vie quand une attention humaine y veille, la flamme ne doit ni mourir, ni dévorer. Ce soin permanent ne peut être le fait d’une seule personne. La flamme est, à cet effet sacrée, le groupe confie sa sauvegarde à des personnes, consacrées elles-mêmes, soit définitivement ou pour un temps. Très souvent, des mythes de fondation – de la tribu à la cité – sont associés à ce feu, cette flamme. Elle a une fonction mémorielle, elle rappelle la fondation du groupe et le souvenir de ceux qui lui ont appartenu, lui ont parfois donné leur vie. Ce que l’on voit aujourd’hui encore dans la célébration des combattants.

 

Au plan plus individuel, Gaston Bachelard (La Flamme d’une chandelle) note que « la flamme s’inscrit dans la verticalité et offre au psychisme du rêveur “une nourriture aérienne, allant à l’opposé de toutes les nourritures terrestres” ». Chacun peut en faire l’expérience, s’il est assez attentif, lorsqu’il pénètre là où brille une petite lumière vacillante – dans, par exemple, ce qui se donne aujourd’hui comme sanctuaire. Le passant est alors accessible à la rêverie : « Il semble qu’il y ait en nous des coins sombres qui ne tolèrent qu’une lumière vacillante… ainsi toutes nos rêveries de la petite lumière gardent une réalité psychologique dans la vie d’aujourd’hui (…) devant ce sablier qui s’écoule vers le haut ». Ce que le philosophe opposait à l’usage de la lumière électrique : « Pour moi, le rêveur de mots, le mot ampoule prête à rire. Jamais l’ampoule ne peut être assez familière pour recevoir l’adjectif possessif. Qui peut dire maintenant : mon ampoule électrique comme il disait jadis : ma lampe ? (…) Notre seul rôle est de tourner le commutateur. Nous ne sommes plus que le sujet mécanique d’un geste mécanique. »

 

Cependant, d’autres usages de la flamme et de la lumière s’opposent violemment à ceux que nous venons d’évoquer. Plus question de lampe, de son caractère toujours un peu sacré, ni de la vacillation onirique de la bougie, c’est le feu qui reprend le dessus. La torche de l’incendie, celle qui allume les bûchers, celle des groupes d’hommes traquant d’autres hommes dans les équipées nocturnes qui conduisent aux pires exactions. La lumière sinistre qui permet de ne pas arrêter la tâche meurtrière, l’exalte en cérémonies de purification comme celles du Ku Klux Klan et, évidemment, les flambeaux des meutes nazies. Il ne s’agit plus d’éclairer d’une lumière vacillante ces coins sombres en chacun de nous, mais tout au contraire de les masquer à nous-mêmes pour les mettre en lumière crue chez autrui. L’usage psychologique du terme « projection » – opération qui consiste à attribuer à autrui ce que nous préférons ignorer dans notre for intérieur – prend ici une dimension cruelle. On ne massacre jamais plus méthodiquement que ceux chez qui on a cru mettre en lumière ce qu’on ne pouvait supporter chez soi. Une fois encore, nous constatons que la recherche de la vérité, de la pureté, la prétention d’en être le serviteur, sont parmi les plus puissants moteurs de la férocité qui soude les groupes quand ils craignent de ne plus être les plus forts, les meilleurs, etc. (souvent du fait de l’histoire).

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