Raja of the Ganges, the Dice Charmers : Tombez sous le charme des dés…

Il y a des modes qui passent et d’autres qui ont l’air de persister. Je me souviens encore du festival de Cannes 2019, où je plaignais les auteurs qui proposaient encore du Roll and Write aux éditeurs saturés de propositions de ce style, pensant qu’ils avaient déjà raté le train, que la mode s’essoufflerait avant la sortie de leur jeu… Bien mal m’en a pris car deux ans après, les vitrines des boutiques ludiques regorgent encore de Roll and Write et beaucoup d’entre eux connaissent un beau succès. Dernièrement, il y a eu l’adaptation de Troyes le jeu de dés sur plateau transformé en jeu de dés sans plateau (Troyes Dice), Trek 12 (et la version Amazonie) sa mécanique simple et maligne, Hyper futé à la puissance trois, le retour du retour qui confirme la bonne santé de la licence, ou encore Varuna (suite de Demeter)… C’est donc finalement sans trop de surprise que l’on découvre l’adaptation de Rajas of the Ganges dont la mécanique de pose d’ouvriers était totalement liée à la couleur et à la valeur de nos dés. Épurer les jeux qui ont fait leur preuve pour concentrer leur mécanique sur un simple feuillet est un exercice périlleux. Rajas of the Ganges: the Dice Charmers remplit-il son pari de respecter le propos du jeu original, tout en conservant le rôle primordiale des dés  ?

 

Un dé unique pour de multiples actions

Habitués de Rajas of the Ganges, vous ne serez pas perdus. Les auteurs du jeu, Monsieur et Madame Brand, ont respecté leur première création en n’omettant aucun des éléments du premier opus. Le palais héberge toujours des personnages iconiques de l’Inde prêts à vous aider, les ressources attendent d’être vendues sur les étals des marchés contre de l’argent, les bâtiments vous apportent toujours du prestige et le Gange vous ouvre ses flots pour profiter de ses vertus. Les dés, ingrédients indispensables de la mécanique sont aussi de la partie mais ont perdu leur valeur au profit d’icône liés aux différentes parties du plateau. Enfin, le scoring et la condition de fin de partie si particulière à Rajas of the Ganges, sont présents, à savoir le croisement des pistes d’argent et de prestige.

Des dés certes, mais des dés charmants !

 

Au-delà de la disparition du plateau, le principal changement réside sur la raréfaction des dés. Vous ne cumulez plus les dés comme dans le jeu de base mais vous devez choisir un seul dé parmi les 8 lancés sur la table. Ainsi, la paire de dés verte illustrée de routes vous permet de vous balader sur la carte de votre royaume et de traverser les bâtiments, fournisseurs de Prestige et les marchés indispensables pour vendre vos denrées. Les dés violets offrent des marchandises alors que les dés jaunes déclenchent le pouvoir d’un personnage du palais. Enfin, les dés bleus, liés à la piste du Gange, sont une excellente adaptation des pouvoirs du fleuve. Les symboles illustrés sur ces dés vous permettront d’avancer sur la piste du Ganges pour récupérer des bonus en vous déplaçant sur le prochain symbole de ce type sur la piste du fleuve, au détriment des cases que vous dépassez pour vous rendre à destination.

Il faudra donc ne pas avancer trop vite car, à moins d’utiliser les pouvoirs du Portugais, vous ne pourrez pas revenir sur vos pas et profiter des actions que vous avez dépassées. Le choix d’un dé unique peut paraître frustrant laissant présager des tours pauvres mais rassurez-vous, il y a énormément de bonus à débloquer et il n’est pas rare qu’un seul dé vous offre plusieurs actions et récompenses. À tel point que vous rêverez d’avoir plusieurs mains, tel Shiva, pour pouvoir pointer les différentes actions débloquées en chaîne. Il faut donc être très attentif pour ne pas oublier de marquer les avantages reçus qui vous donneront peut-être de nouveaux bonus, faisant grossir le rang des actions à réaliser. C’est très gratifiant d’enchainer les bonus mais nous sommes à la limite de ce qu’un cerveau humain peut retenir ! Soyez fair-play, surveillez votre voisin lorsqu’il résout ceux-ci car il risque de se perdre et sera ravi d’avoir quelques rappels de votre part.

Soyez vigilants, ça va cocher dans tous les sens.

 

L’importance des tours

L’ordre du tour de jeu va vraiment être déterminant car, vous n’aurez accès qu’aux dés que vos adversaires auront pris soin de vous laisser. Cette mécanique est quelque peu frustrante lorsque l’on tient le rôle de dernier joueur et déséquilibre un peu l’égalité des chances et des choix. Cela dit, ce que le jeu perd ici en équilibre, il y gagne en interaction. En début de tour, le premier joueur choisit un dé et bannit le second dé de cette couleur en le posant sur un éléphant cartonné, empêchant ainsi ses adversaires d’utiliser un pouvoir similaire au sien ; seul le Karma permettra de récupérer ce dé réservé sur le pachyderme. Vos actions sont donc intimement liées aux choix des adversaires qui vous précédent, selon qu’ils décident de ralentir un autre joueur en lui prenant le dé opportun. Les routes, illustrées sur le dé vert, sont par exemple un élément important du jeu, permettant de traverser marchés et bâtiments mais aussi de débloquer les bonus positionnés au bout de chaque chemin. Elles seront souvent sélectionnées par le premier joueur, privant ainsi ses adversaires du deuxième dé de cette couleur, mais heureusement, de nombreux bonus et pouvoirs parsemés dans le jeu permettent de récupérer des actions liées aux dés déjà sélectionnés. Entre le Karma qui permet de relancer des dés dont celui de l’éléphant, et les divers bonus à débloquer, il y a toujours une solution lors de votre tour de jeu malgré un choix restreint au fil de la manche.

L’éléphant, gardien du dé sacré.

 

L’un des principaux défauts de ce jeu est le temps d’attente entre chaque tour. Lorsque vous jouez à quatre joueurs, le premier joueur peut attendre six tours entre la fin de son coup et son prochain tour de la manche suivante. Sachant que chaque dé est intéressant et qu’il faut peser ses décisions, que les bonus déclenchés en ouvrent d’autres, rajoutant des actions supplémentaires, le temps paraîtra sans doute long. Attendre six tours pour choisir un seul dé parmi les trois restants peut être quelque peu frustrant. Par contre à deux joueurs, le charme opère. Les manches sont dynamiques et choisir ses dés ne devient plus une contrainte car vous avez plus de choix et vous pouvez sélectionner deux dés lors d’une manche, ce qui change considérablement votre façon d’anticiper les tours.

Certains joueurs seront déçus de perdre la vision stratégique du jeu de base où ils pouvaient planifier à l’avance le chemin vers la victoire alors que cet opus semble laisser une plus grande part à l’opportunisme. Selon les dès qu’il reste, certaines actions vous paraitront un peu monotones tandis que d’autres vous débloquent des bonus en pagaille. Rien ne vous empêche de préparer de manière plus stratégique vos coups dans l’attente de la combinaison gagnante.

 

 

En conclusion, Rajas of the Ganges: The Dice Charmers est fidèle au titre d’origine, respectant le sujet déjà riche du premier opus tout en étant plus difficile à contrôler. À mes yeux, le jeu se hisse au niveau des bons Roll & Write actuels malgré ses défauts liés principalement au temps d’attente entre les tours et aux très (trop) nombreux bonus qui peuvent se débloquer à la chaine. Faiblesses qui peuvent être facilement corrigées en réservant ce titre pour des parties à deux joueurs et en prenant le temps d’être attentif et consciencieux lors de la résolution des bonus déclenchées !

 

 

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1 Commentaire

  1. Grovast 23/08/2021
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    Assez d’accord avec l’article.

    Pour compenser leur absence d’interaction, la principale qualité des Roll/Draw & Write est de pouvoir jouer à nombreux sur une durée réduite/ sans temps mort (généralement via de la simultanéité). Pas ici.

    J’ai par ailleurs un doute sur le design lui-même, les dés me paraissant assez nettement hiérarchisés  : orange / bleu > vert > violet.

    Ceci étant, déclencher une cascade d’effets est un plaisir qui ne se boude pas 😉

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