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La mauvaise foi de IATA pour rejeter le fond de garantie

« IATA méprise les agents de voyages. » C’est ce qu’avance les Entreprises du Voyage. Il faut dire que la dernière communication de l’association aérienne avance des arguments à peine croyables…

Voilà un serpent de mer vieux comme l’industrie du tourisme : la création d’un fond de garantie qui couvrirait les frais des voyageurs victimes de la faillite des compagnies aériennes. Avec les faillites de ces derniers jours, la question est de nouveau revenue avec insistance dans toutes les conversations. Qui doit couvrir les dépenses des 13 000 passagers en rade, obligés d’acheter de nouveaux billets pour rentrer en France après les déboires d’Aigle Azur ?

Mercredi 4 septembre, le président des Entreprises du Voyage, Jean-Pierre Mas, indiquait qu’il demandait « aux agences de voyages de mettre les billets non-utilisés (non volés en AR, NDLR) en remboursement auprès du BSP ». Avant d’enchaîner : « Aigle Azur va créer un sinistre important auprès des agences de voyages et de leurs clients, ce qui me conforte dans ma demande d’imposer aux compagnies des garanties financières similaires à celles qu’elles-mêmes imposent aux agences de voyages. Nos relations sont inéquitables ! », martèle-t-il.

Un problème marginal selon Iata

Face aux demandes pressantes, Iata a communiqué auprès de ses membres, sur cette question du fond de garantie. Avançant un certain nombres d’arguments, tous plus ou moins empreints de mauvaise foi. Dans ce courrier, que nous avons pu consulter, l’association aérienne commence par définir « le problème » par les mots suivants : « Certains gouvernements envisagent de nouvelles règles pour remédier à la faillite des compagnies aériennes, telles que la création d’un fonds qui serait utilisé pour rapatrier ou rembourser les passagers affectés par les compagnies aériennes qui cessent leurs activités ».

Avant d’avancer les différentes raisons qui, selon eux, justifient la remise en cause d’un tel fond. Tout d’abord, selon Iata, ce problème est marginal. Pour cela, elle cite une étude de la Commission européenne, qui explique qu’entre 2011 et 2020, « environ 0,07% des passagers voyageant uniquement par vol sec (par opposition aux voyages à forfait) seraient touchés par l’insolvabilité des transporteurs aériens. Et seulement 12% de ces 0,07% initialement touchés (soit 0,0084% du nombre total) seraient bloqués à l’étranger et auraient besoin d’être rapatriés ». Pour Iata, peu importe que des milliers de voyageurs soient bloqués. Etant donné qu’ils ne représentent que 0,0084 %…

« Ils ont leurs cartes de crédit »

Et puis quand bien même un passager serait bloqué, selon Iata, « les compagnies aériennes membres de l’IATA en Europe ont conclu un ‘accord volontaire’ pour offrir aux passagers concernés, dans la limite des capacités disponibles, un accès à un acheminement à tarif réduit pour rentrer chez eux. » Les passagers n’ont donc aucune raison de se plaindre, étant donné qu’ils ont le droit à un tarif réduit sur le billet qu’ils vont devoir racheter après avoir perdu leur premier billet.

Selon Iata, les consommateurs disposent également de plusieurs moyens pour demander un remboursement en cas de défaillance des compagnies aériennes. « Les sociétés de cartes de crédit autorisent les détenteurs de cartes à déposer des réclamations pour des services non rendus. » Par conséquent, les consommateurs qui paient leurs billets d’avion par carte de crédit peuvent demander un remboursement malgré le dépôt de la faillite.

Le service de règlement Iata entre les compagnies aériennes et les agents de voyages (BSP) peut permettre à « l’IATA de rembourser aux agents de voyages les sommes versées à la compagnie aérienne ; ceci sous réserve de la législation nationale en matière de faillite et des particularités de la participation de la compagnie aérienne au sein de l’IATA ».

Une concurrence faussée

Voilà, donc pour Iata, compte tenu « à la fois de la rareté des faillites de compagnies aériennes et du nombre extrêmement faible de passagers concernés, un fonds constituerait un excès de réglementation. Cela créerait un fardeau injustifié sur l’industrie et les passagers pour des avantages destinés à une portion extrêmement réduite de passagers ».

De plus, selon Iata, « un tel fonds tirerait ses ressources d’un prélèvement sur tous les billets vendus. Les compagnies aériennes faisant preuve de rigueur financière subventionneraient donc des compagnies moins soucieuses, ce qui fausserait la concurrence ». Avant de conclure de manière très sérieuse : « Cela inciterait les transporteurs à prendre plus de risques financiers ». On croit rêver…

EDV : « Iata doit rembourser les agences »

L’IATA est donc favorable « à la révision des lois nationales ou régionales existantes en matière de faillite en vue de réduire au minimum le nombre de passagers bloqués ». De son côté, le syndicat Entreprises du Voyages (EDV), furieux est revenu à la charge : IATA n’exerce aucune surveillance des compagnies membres du BSP :

«  Malgré des pertes de 138 millions d’euros en 2018 et de 154 millions d’euros au premier trimestre 2019 (20 € par pax transporté), Norvegian est toujours dans le BSP. […]. Il y a un deux ans Aigle Azur affichait des capitaux propres négatifs de 30 millions d’euros, puis de 70 millions d’euros fin 2018.  En affichant des résultats et en utilisant de telles méthodes, quelle agence de voyage pourrait rester dans le BSP sans garantie bancaire en béton ?  Malgré l’état de cessation de paiement de XL Airways, IATA a trouvé un biais pour bloquer les remboursements dans les GDS des billets XL Airways le 20 septembre au matin. Ainsi IATA écarte le risque d’un « BSP négatif ».  Non content de mépriser les agences de voyages, IATA leur fait les poches. Cerise sur le gâteau, IATA n’a pas reversé à XL Airways et a donc conservé par devers elle, le montant du BSP payé le 16 septembre par les agences de voyages (émissions de la deuxième quinzaine d’août) : 1,6 millions d’euros ! »

EDV exige donc que Iata restitue aux agences de voyages les sommes détournées par IATA le 16 septembre, en affectant ce montant au remboursement des billets XL Airways émis par les agences de voyages et non volés. « À défaut de réponse positive et claire de IATA dans la semaine, nous entamerons des poursuites pour détournement de fonds et « grivèlerie » ».

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