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Le 1er M’Anu’Factur Rock Festival

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Il y a 5 ans, Hannut était une ville musicalement morte. Mis à part quelques événements sporadiques (je me souviens d’un concert de Abbey Road il y a une quinzaine d’années), il ne se passait pas grand-chose. C’est alors que quelques passionnés de musique décidèrent de fonder une asbl. La M’Anu’Factur Rock était née. Leur but avoué: s’occuper des groupes émergents de la région, organiser des concerts pour le public des environs, mais aussi mettre sur pied une école de musique afin de susciter des vocations. Au fil des ans, l’asbl s’est taillé une solide réputation en mettant sur pied quantité de soirées concerts et d’événements culturels. Pour souffler ses 5 bougies dignement, une idée a fait son chemin: organiser une journée de festival avec des groupes intéressants. C’est ainsi que Soldout, Malibu Stacy et Austin Lace (entre autres) ont débarqué au Marché Couvert ce 7 février…

13h pile et les festivités débutent devant une poignée de spectateurs avec un groupe local, Klimax (prononcez Klaïmax), dont l’excellent batteur est également prof au sein de l’asbl. Ils ne sont que 3 sur scène, mais cela pêche méchamment et les 3 instruments (guitare, basse, batterie) sonnent bien distinctement. Le son est puissant, limpide et réglé à la perfection (ce sera une constance cet après-midi). Musicalement, on a tous les ingrédients du grunge, mais à tendance légèrement plus métal et surtout en beaucoup plus propre. D’ailleurs, la voix nasillarde du chanteur rappelle par moments le regretté Layne Staley d’Alice In Chains. Ils ont la technique, les compositions et les démos (la nouvelle, “Narcissistic”, sort ces jours-ci). Il ne leur manque plus que les moyens d’enregistrer un premier album. Petite anecdote, c’était leur dernier concert en tant que trio puisqu’un quatrième membre s’apprête à les rejoindre. Que voilà une bonne petite mise en jambes pour nos oreilles… (
Klimax – MySpace
).

Un quart d’heure. C’est le temps alloué aux groupes pour installer leur matériel et régler la balance. C’est court, mais le timing doit être respecté, car rappelons que 11 groupes vont se succéder d’ici 2 heures du matin. Les suivants à relever le défi sont les namurois de Mad Radios, qui étaient tombés dans le “groupe de la mort” lors des éliminatoires du Concours-circuit (avec The Vagabonds, Les Heritiers et les Bikinians, excusez du peu). Super sympas en dehors de la scène, très pros dessus malgré un set quelque peu hésitant et déstructuré (on sent qu’ils n’ont plus joué ensemble depuis près de trois mois). Quelque part, entre les Clash et les Libertines, mais avec une voix plus personnelle et légèrement rauque, ils savent rocker et ils le montrent. Une nouvelle démo doit être enregistrée dans les prochains jours et se retrouver rapidement sur
leur page MySpace
. Cela bouge donc pour eux aussi et ce n’est que justice. Cela dit, avec une moyenne d’âge inférieure à 20 ans, ils ont tout l’avenir devant eux.


C’était ensuite au tour de La Fondation Phenix de monter sur scène et l’occasion pour nous de revoir derrière sa batterie Simon Fontaine, le batteur de Klimax (et accessoirement professeur du batteur des Mad Radios). En tout cas, il n’est pas prof pour rien, il a un jeu tout simplement parfait. Avec ses trois compères (dont un petit dernier qui vient de rejoindre le groupe et qui laisse ainsi plus de liberté aux autres), ils pratiquent un rock qui me fait penser aux débuts de R.E.M., mais avec la voix de Mike Mills plutôt que celle de Michael Stipe. C’est énergique, varié, frais et original. Bref, en résumé, il n’y a que leur nom qui cloche. En ce qui me concerne, c’était mon coup de cœur de la journée, une excellente surprise et un groupe à suivre de près (
La Fondation Phenix – MySpace
).

Un peu plus brut et moins lisse, mais tout aussi efficace, The Archbishops (et pas The Archibishops), tout auréolés de leur place de finaliste lors du dernier Concours Circuit (et de leur prix Fiesta du Rock). Comme d’habitude hyper détendus avant de monter sur scène, et directement concentrés lorsqu’il s’agit d’aller au turbin, ils ont encore amélioré leur set, réarrangé leurs compositions et surtout affiné les parties de guitare (finis les riffs systématiques à la Guns N’ Roses). Par contre, était-ce le fait que la scène était (trop) grande pour eux, toujours est-il que le jeu du batteur m’a moins impressionné qu’à la Rotonde. Il a fait le boulot, tout comme le chanteur guitariste qui tient sa guitare assez haut et qui a toujours sa voix reconnaissable et légèrement cassée à la Jim Morrison. N’oublions pas le bassiste et sa classe naturelle. Ils n’ont pas trop traîné après le concert, vu qu’une autre prestation les attendait à Andenne. Dernière info les concernant, la nouvelle démo arrive bientôt, mais ne contiendra pas “Hell Wasn’t So Far Off”, vu qu’ils n’arrivent pour le moment pas à retranscrire sur CD l’énergie qu’elle dégage sur scène. Obligé d’aller les voir pour profiter de cette pépite… (
The Archbishops – MySpace
)


J’étais curieux de voir le groupe suivant, The Big Hat Band, ceux-là même qui ont remporté le Concours Circuit en 2006. Je les avais vus en avril de la même année en première partie des Kooks à la Rotonde et j’avais trouvé leur prestation très intéressante. Un an plus tard, au PacRock, j’avais l’impression qu’ils avaient joué le même set. C’est vous dire comme je les attendais en espérant secrètement quelques nouveaux titres ou tout au moins une certaine évolution dans leur style. Malheureusement, il n’en a rien été. Attention, je ne dis pas que c’est mal joué, mais on reste dans ce carcan Libertines / Strokes plus très original car copié et recopié (on le verra encore tout à l’heure). Cependant, je reste persuadé que ce groupe a du potentiel. Ted Clark, le chanteur, a une attitude de rock star (il est un peu un mélange entre Tom Clarke de The Enemy et Robert Harvey de The Music lorsqu’il n’avait pas la boule à zéro) et un phrasé parfait (normal, il est écossais). Dommage que leur cover de David Bowie (“Suffragette City”) soit toujours au programme; même si elle est très réussie, on a peut-être envie d’entendre autre chose. Allez, encore un peu de travail et d’application pour un premier album et on devrait pouvoir compter sur eux comme un des gros espoirs du rock belge. (
The Big Hat Band – MySpace
)

Place ensuite au coup de cœur des organisateurs, les anglais de Blakfish, qui sont originaires de Birmingham. Ils sont venus se perdre en Hesbaye après avoir fait un détour par Seattle pour y enregistrer un nouvel album dont la sortie est prévue au printemps. Complètement inconnus ici, ils sont tout doucement en train de faire leur trou de l’autre côté de la Manche avec une musique relativement complexe, qu’on compare plus volontiers à iLiKETRAiNS ou à Explosions In The Sky qu’à Sigur Rós. Mais avec quand même quelque chose de différent: la voix du chanteur, qui a dû beaucoup écouter Slipknot ou plus certainement ¡Forward, Russia!. Sans compter le fait qu’il était assez démonstratif dans sa manière de jouer… Cela dit, je ne pense pas que le public hannutois était prêt à se ramasser une tranche de post rock dans la figure. Et personnellement, j’en attendais peut-être trop. Mon verdict sera donc mitigé, car j’ai trouvé leur prestation assez brouillonne. Un pétard mouillé donc, mais rien ne dit qu’il n’explosera pas un jour… (
Blakfish – MySpace
)


Comme déjà précisé plus haut, les influences rock british à la Libertines étaient omniprésentes samedi soir. Mad Radios, The Big Hat Band et puis également le groupe suivant sur l’affiche, les français de Music Is Not Fun. Ils avaient assuré la première partie de The Von Durden Party Project la veille à l’AB et profitaient du fait qu’ils étaient dans le coin pour étoffer l’affiche du festival. Adeptes d’un pub rock inspiré tant par le groupe de Pete Doherty et de Carl Barat que par les Fratellis, ils ont mis l’ambiance à leur manière, mais encore une fois sans révolutionner le style. Dommage, car avec un peu d’audace, ils pourraient arriver à passer à un palier supérieur. Encore une fois, ce qu’ils font, ils le font bien, mais sans grande originalité. Ma déception de la journée… (
Music Is Not Fun – MySpace
)

Un groupe français succède à un autre puisque c’était Coming Soon qui allait prendre possession de la scène. Coming Soon, un phénomène dans le paysage musical folk français. Leur premier album, “New Grids”, a été acclamé par la critique (dans le top 50 des albums de l’année 2008 selon Les Inrockuptibles) mais c’est surtout deux de ses membres qui ont fait la une de l’actualité lorsque deux de leurs titres (sous le nom de Antsy Pants, un ancien projet) se sont retrouvés inclus sur la B.O. du film “Juno” (celui-là même qui remis les Moldy Peaches d’Adam Green au goût du jour). Un succès aussi colossal qu’inattendu, au point d’atteindre la première place du Billboard Hot 100, le très vénéré classement des meilleures ventes d’albums aux USA. Un concert de Coming Soon est une expérience assez intéressante, car on est en présence de gars surdoués. Ils sont très jeunes (de 16 à 25 ans) et vivent leurs compositions à fond. Je classerais volontiers leur album aux côtés de Fleet Foxes et Bon Iver, autres grands vainqueurs de l’année dernière. Certaines de leurs compositions sont magiques (“Wolves In The City”, “Howard Moon”, “Time Bomb”) et donnent très bien en live, boostées par un chanteur immense par la taille et bourré de talent (on pense à Joey Burns de Calexico). On voulait avoir d’autres sonorités que de la pop anglaise, on a été servis, car leur son était radicalement différent de ce que l’on avait entendu jusque-là. Mais à mon avis, c’est plutôt dans une petite salle feutrée qu’elle doit exceller. A ne pas louper si ils passent dans le coin. (
Coming Soon – MySpace
)


Après une bonne frite bien grasse, nous voici requinqués pour la suite de la soirée, avec un horaire toujours parfaitement respecté lorsque c’est au tour de Austin Lace de commencer leur set. Ils ont sorti en octobre dernier un des tous bons albums belges de l’année, avec “The Motherman”. Un album plus varié qui lorgne, pour rester générique, plutôt du côté des Beatles que des Beach Boys. En gros, on y retrouve moins d’harmonies vocales et surtout on sent qu’ils ont gagné en maturité lorsque le moment est venu de composer de nouveaux titres. En plus, ils se sont même payés un hit radio (l’impeccable “Katz”, qui a déchaîné la foule ce soir). Ils ont laissé les plantes et les pots de fleurs qui ornaient leurs amplis lors de leurs concerts de l’époque (je me souviens d’une prestation à la Boutik Rock en 2005 qui ne m’avait pas trop impressionné) pour se concentrer sur leur pop guillerette (j’ai pas dit gentillette) et drôlement efficace. Personnellement, ils m’ont bien plu et le personnage coiffé d’un masque de tomate ou de citrouille rouge qui se baladait entre les musiciens n’a fait qu’apporter un sourire supplémentaire sur les visages du public. (
Austin Lace – MySpace
)

Malibu Stacy nous devait une revanche. En effet, leur prestation à la Nuit du Soir n’était pas exempte de tout reproche. A leur décharge, leur deuxième album, “Marathon”, venait à peine de sortir et ils n’avaient pas trop eu l’occasion de le jouer en live pour du vrai. Entre-temps, une mini tournée a été organisée avec les anversois de A Brand, qui leur a permis de s’imprégner de ces nouvelles compositions. Nous aussi, on a eu le temps de bien analyser cet album et le verdict est qu’il se bonifie au fil des écoutes. Comme quoi. Entamé avec “Hotel De Police”, leur set a été énergique de bout en bout. En effet, ces 6 garçons ont réappris à emballer le public. Il est vrai que la majorité des spectateurs étaient là pour eux avant tout. Et la bonne nouvelle, c’est qu’ils n’ont pas déçu. Une set-list intelligente, mixant les tubes du premier album (“Los AnGeles” assez tôt dans le set, “Sh-Sh”) avec ceux du deuxième (“Ladies Can’t Drive”, “Flashdance”) qui forment désormais un répertoire homogène. Une bien belle revanche pour un groupe qui sera certainement l’une des attractions belges des festivals d’été.(
Malibu Stacy – MySpace
)


Restait à accueillir le duo électro Soldout, tête d’affiche de la journée, qui avait également un truc à rattraper. Je m’explique. Lors de leur prestation à la Brasserie de l’Eden en novembre dernier, tout se passait bien crescendo jusqu’à la sixième ou septième chanson (“I Don’t Want To Have Sex With You” qui avait atteint des sommets) puis tout est retombé comme un soufflé. Il faut croire que l’air de Hannut est bénéfique car eux aussi ce soir, ils m’ont bien plu. Et pas qu’à moi visiblement, à voir le Marché Couvert transformé en discothèque géante. Il faut dire que les beats assassins de David Baboulis soutiennent admirablement bien la voix de Charlotte Maison. En plus, les tubes sont bel et bien là: “The Box”, “I Can’t Wait”, “Build It Up / Knock It Down”. Le seul reproche qu’on pourrait leur faire, c’est qu’il ne se passe pas grand-chose sur scène. Mais dans le même temps, difficile de faire du show lorsqu’on a les mains occupées par des machines, surtout que Charlotte y chipote aussi et tient le micro dans l’autre main. C’est bien évidemment le précité “I Don’t Want To Have Sex With You” qui recevra la plus grande ovation (de la journée?), introduit intelligemment par un beat que l’on sent venir de loin avant de tout à fait exploser. Waouw. On aura même droit à un rappel avec “You’re Different”, le titre avec lequel le rideau est tombé sur ce premier festival M’Anu’Factur Rock.

Un festival que l’on peut assimiler à une réussite. Une organisation parfaite, une affiche équilibrée de qualité, un accueil chaleureux et un petit côté environnemental bien dans l’air du temps. En effet, par 100 personnes présentes, l’asbl avait fait la promesse de planter un arbre, pour compenser les émissions de Co2 qu’un tel événement engendre. Comme quoi, ils ont pensé à tout… Espérons qu’ils remettent ça avant leur dixième anniversaire…

Les autres photos de

Malibu Stacy
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Austin Lace
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Coming Soon


Music Is Not Fun
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Blakfish
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The Big Hat Band


The Archbishops
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La Fondation Phenix
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Mad Radios

Photos © 2009 Olivier Bourgi

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