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PPM Fest 2013 – jour 2 : Habemus PPM

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Samedi 13 avril. Second épisode de la saga PPM Fest 2013 ; le plus sombre de la trilogie ! Nous sommes samedi et c’est le jour de la lessive, du ménage et des courses. Hasard du calendrier (ou pas ?), les âmes perdues sont en promotion au centre commercial des Grands Prés et le Prince des Ténèbres fait son shopping. À quelques pas de là, dans la sacro-sainte cathédrale métallique du Lotto Mons Expo, plusieurs milliers de cardinaux réunis en conclave se préparent à élire le nouveau Pape du Métal occulte. Il est 11h30 et, une fois n’est pas coutume, je suis à l’heure pour assister à la première prestation de la journée. C’est Dyscordia qui inaugure aujourd’hui les planches de la scène Omega. Un privilège dont la formation courtraisienne a hérité en remportant, haut la main, le second round des ‘Metal Battles’. Comme il l’avait déjà fait lors du concours de sélection, Dyscordia a amené avec lui la majeure partie de son fan-club, ce qui explique sans doute pourquoi, en dépit de l’heure matinale, l’ambiance du parterre est à la fête. Sur scène, la formation flamande s’emploie à démontrer que sa place au PPM est justifiée, et elle y parvient aisément grâce à un power métal d’excellente facture sublimé par un frontman très en voix.

Il est 12h10 et l’heure du Folk Metal a sonné. Torses nus, vêtus de kilts et peinturlurés de la tête aux pieds, les guerriers d’Aktarum investissent fièrement la scène. Cependant, les Trolls du Brabant Wallon ne bénéficient pas, comme Dyscordia, du soutien d’une horde de fidèles et l’accueil qui leur est réservé est beaucoup plus mitigé. Il faut dire que la configuration de la scène, avec une batterie ancrée bien trop loin de la foule, ne joue pas vraiment en sa faveur. La musique, festive à souhait, aurait peut-être mérité un jeu de scène moins statique. Il faudra revoir Aktarum dans une salle plus obscure, sur une scène plus confinée, pour pouvoir l’apprécier à sa juste valeur.

Je profite d’une légère accalmie sonore pour faire connaissance avec mon nouveau collègue Hugues Timmermans, envoyé en renfort par notre rédacteur en chef pour pallier à l’absence de l’infâme Bernie. Si vous êtes des lecteurs assidus de notre magazine, vous connaissez probablement l’ami Hugues puisqu’il nous mène tous en bateau depuis quelques semaines en nous faisant baver d’envie avec le récit de ses aventures métallico-maritimes.


Il est 12h55 et les démons de l’enfer lancent leur premier assaut de la journée en déversant un maelstrom de riffs brutaux et d’incantations venimeuses sur les planches de la scène Omega. Infernal Tenebra a fait le déplacement depuis la Croatie pour déboîter les molaires de quelques centaines d’accros aux musiques extrêmes. Ceux-ci, trop heureux de pouvoir se détendre les méninges après deux journées consécutives d’exposition à la rigueur du progressif, lui en sont manifestement reconnaissants !


Après leur enthousiasmante prestation d’hier, les héros locaux de Max Pie ont invité la presse à une sympathique session d’écoute de leur nouvel opus. Immergé dans le superbe “Eight Pieces – One World” (NDR : dont vous pourrez bientôt lire la chronique dans ces pages), je n’ai pas le temps d’assister au set de Seven Kingdoms. Toutefois, l’ami Hugues (qui, je vous le rappelle, sent bon le sable chaud et les cocktails exotiques) m’en à fait un résumé succinct que je vous livre ici dans son intégralité : ‘Pas mal, mais sans plus’.


Le temps de traverser la salle et nous retrouvons Simone Mularoni dans un rôle totalement différent de celui qu’il tenait hier, sur ces mêmes planches, en compagnie de DGM. Le sympathique Romain endosse aujourd’hui le costume blindé qui sied à la musique d’Empyrios. Teinté d’influences industrielles, le métal d’Empyrios se veut plus violent que celui de DGM. L’alternance de chant extrême et clair, les riffs dévastateurs et les effets électroniques font d’Empyrios une entité totalement à part au sein de la scène progressive. Le concert de ce début d’après-midi est intense, dévastateur et surtout de grande qualité. Assurément l’un de mes coups de cœur personnels du jour !


Au PPM Fest, les formations métal progressives italiennes se suivent et se ressemblent très peu. Et ce, même si elles abritent toutes, en leur sein, l’un ou l’autre des membres de DGM. Astra ne déroge pas à la règle puisque son claviériste/guitariste n’est autre qu’Emmanuele Casali. Contrairement à ce qui se fait chez Empyrios, il n’y a ici absolument rien d’extrême ni d’électronique. La musique du groupe, indéniablement progressive, tient cependant beaucoup plus du hard rock mélodique et du classic rock que du Heavy Métal pur et dur. S’il n’est pas des plus convaincants lorsqu’il tente de communiquer avec la foule, Titta Tani a la chance de posséder l’une des plus belles voix de la scène progressive transalpine. Ni pompeux, ni ennuyeux, ni démonstratif, le set d’Astra est sans doute le concert prog-métal le plus accessible et le plus relaxant du weekend.


Lars Larsen, le frontman de Manticora, n’a pas une voix aussi jolie que celle de Titta Tani mais il tente de compenser cet état de choses en jouant sur son charisme et sa prestance naturelle. Cependant, le géant danois en fait un peu trop et ses tentatives humoristiques tombent souvent à plat. Comme 90% des formations progressives, Manticora abrite en son sein une impressionnante collection de virtuoses, des techniciens et des prix d’excellence musicaux. Si son métal progressif est musclé à souhait et flirte souvent avec le thrash métal, il est aussi un peu linéaire et rébarbatif. Son set se fait vite lassant et, comme beaucoup d’autres, je déserte la scène Oméga après quatre ou cinq titres.


Rotting Christ est l’un des cardinaux en lice pour l’élection papale dont je vous parlais en introduction de cet article. Une paire de démons placés de part et d’autre de la scène et une intro empestant l’exorcisme à plein nez : l’antique formation black métal grecque n’a pas son pareil pour installer une atmosphère malsaine. En bon disciple du Malin, Sakis est un expert dans l’art de manipuler les foules. Il se met le PPM en poche à grands coups de ‘Brothers and Sisters’ et balance quelques mots en français pour convaincre les septiques. Contre toute attente, la sauce prend et le PPM s’embrase. Il faut dire que hurleur/guitariste est un personnage paradoxal, funeste et sympathique à la fois. Il y a, dans le black métal de Rotting Christ, un je-ne-sais-quoi d’exotique et de tribal qui plaît à la foule. Pour la première fois de la journée, le PPM cesse d’être passif et headbangue à s’en briser les vertèbres. Au centre du parterre, on fait déjà tourner le premier ‘circle pit’ tandis que les plus hardis surfent en direction de la scène sur une mer de bras tendus. Les Athéniens remportent donc un franc et étonnant succès. Malgré le côté lourd et venimeux de sa musique, Rotting Christ est finalement bien plus digeste que la plupart des formations progressive présentes aujourd’hui. Ses compositions simples et accrocheuses en séduisent plus d’un et lui permettent de fédérer un maximum d’âmes en offrant, par la même occasion, une fulgurante victoire aux puissances obscures.


Les Forces du Bien ne peuvent évidemment pas en rester là ! Leur réplique est d’ailleurs assez astucieuse puisque ce sont carrément les ambassadeurs du métal ‘made in Terre-Sainte’ qui sont envoyés en renfort. De fait, les prophètes d’Orphaned Land ne mettent pas vraiment longtemps à reconquérir les âmes perdues dans la bataille. Il n’y a rien de tel que les prêcheries pacifiste et fraternalistes de Kobi Farhi ou le sourire permanent de Yossi Sassi pour ramener le PPM Fest dans le droit chemin. Farhi est vêtu d’une ample tunique qui accentue encore sa ressemblance avec Jésus-Christ (NDR : comme je suis plutôt fan, ne comptez pas sur moi pour le crucifier dans cet article !). Quant à Yossi Sassi, il est armé d’une superbe guitare double manche qui lui permet de passer de l’électrique à l’acoustique sans devoir changer d’instrument. Pour garantir le retour en grâce des derniers réfractaires à la lumière céleste, Orphaned Land s’est assuré le soutien de l’envoûtant nombril dénudé de Johanna Fakhry. La danseuse du ventre libanaise, que les musiciens israéliens appellent ‘Notre Sœur’ (NDR : tout un symbole) sera malheureusement la seule présence féminine sur scène. La belle Shlomit Levi n’est pas du voyage et nous devons nous contenter de samples de sa voix sur le magnifique ‘Sapari’. Qu’à cela ne tienne. La salle entière vibre au son exotique du Middle-Eastern Metal et nous assistons à quarante-cinq minutes de communion intense entre le groupe et son public. Sale coup pour les forces du mal !


Étant de la génération précédente (NDR : celle qui a engendré les amateurs de métal les plus obtus), j’avoue avoir un peu de mal avec la prestation suivante, que j’ai presque failli trouver passable avant de me décider à la trouver navrante. Le concept d’Amaranthe est pourtant original puisqu’il propose un métal puissant, moderne et mélodique, teinté de sonorités électro et chanté à trois voix. Mais c’est un peu là que le bas blesse. Car si, à gauche de la scène, le brutal Andy Solveström apporte un peu de prestance grâce a un look en accord ses vocaux death métal, il n’en va pas du tout de même pour ses collègues (Elize au centre et Jake à droite) dont l’attitude de pop star à deux balles bafoue amplement l’idée que l’on peut se faire d’une formation métal. Elize Ryd chante bien, mais se prend un peu trop pour la fille spirituelle de Britney Spears et de Céline Dion. Quant à Jake E. Berg, il se couvre de ridicule en arborant look inspiré par les boys bands pour minettes des années 90. Après avoir un peu ri et beaucoup pleuré, je me retire au bar en compagnie d’amis fidèles pour philosopher avec morosité sur l’avenir de notre musique fétiche.


Heureusement, il y a Alestorm pour remettre un peu d’ordre dans tout cela ! Chaque année au PPM Fest nous avons la chance d’assister à l’un ou l’autre moment béni durant lequel le public est en osmose parfaite avec la formation qui lui fait face. C’est arrivé, par exemple, l’année dernière lors des prestations d’Hell et de Powerwolf, nous y avons encore eu droit hier, durant le déjà mythique set d’Avantasia et cela se reproduit à nouveau, aujourd’hui, avec Alestorm. Les Écossais sont, à l’évidence, très attendus par la frange la plus jeune du public montois qui se presse devant la scène Omega comme si sa vie en dépendait. Alestorm (NDR : littéralement ‘Tempête de bière) décrit sa musique (un mix de speed/power métal, de folk, de chansons à boire et d’hymnes à la flibuste) par l’appellation ‘True Scottish Pirate Metal’. Cependant, si ‘ambiance pirate’ il y a, c’est plus du côté de chez Bob l’Éponge que dans les Caraïbes chères à Johnny Depp qu’il faut aller la chercher. D’entrée Christopher Bowes (chant/claviers) donne le ton de la soirée : ‘Nous sommes Alestorm et nous sommes ici pour boire votre bière et mettre des saucisses dans les narines de vos petites amies’. Il n’en faut pas plus pour transformer le Lotto Mons Expo en gigantesque taverne portuaire où la bière coule à flots. À l’inverse de celui de Lars Larsen quelques heures plus tôt, l’humour corrosif de Christopher Bowes fait mouche. La salle hurle de rire lorsque, par exemple, il dédicace “Shipwrecked” (NDR : Naufragé) à Tom Hanks ou lorsqu’il introduit le furieux “Midget Saw” (NDR : Scie à nains) par ces mots : ‘Vous êtes au moins trois milliards dans cette salle, statistiquement il est impossible qu’il n’y pas au moins un nain parmi vous’ ou encore lorsqu’à la fin du concert, il présente les musiciens du groupe ‘…Dani Evans à la guitare, Peter Alcorn à la batterie…. Je m’appelle Christopher… et je suis alcoolique’. Absolument irrésistible ! Dans la salle nous sommes à la fête ! Nous dansons la gigue, nous chantons à l’unisson (NDR : autour de moi, tout le monde semble connaître par chœur les refrains de “The Sunk’n Norwegian”, “Shipwrecked”, “Wolves Of The Sea” ou “Captain Morgan’s Revenge”). L’audience se laisse aller à tous les excès et va jusqu’à s’assoir par terre et se pencher d’avant en arrière la pour imiter les gestes de rameurs en action (NDR : plutôt impressionnant lorsqu’il s’agit carrément des trois quarts de la salle !) Bref, le PPM s’amuse sans se soucier de ce qui l’attend plus tard dans la soirée…


Stratovarius est, à mon humble avis, ce que la Finlande fait de mieux et de pire en matière de métal mélodique. Ce sont incontestablement de fantastiques musiciens. Il serait franchement difficile de faire plus virtuose que le jeu de Jens Johansson sur les touches du clavier ou plus cristallin que le chant de Timo Kotipelto. Cependant, les albums du groupe sont trop similaires et il suffit d’en posséder deux ou trois pour avoir l’impression de connaître toute sa discographie. Le concert de ce soir est un peu à l’image de cette réflexion. Johanssen, dont les doigts courent sur le clavier avec la grâce d’un mille-pattes, est un spectacle à lui seul. La vélocité de l’imposant Matias Kupiainen nous fait presque oublier les descentes de manche de l’irascible Timo Tolkki . Quant à Timo Kotipelto, c’est un meneur d’hommes et sa voix est sans faille. Oui, mais voilà. Aussi jolies et techniques qu’elles soient, les compositions de Stratovarius sont trop linéaires à mon goût et l’absence de variation de tempo devient vite lassante. Après m’être éclaté avec Alestorm, je m’ennuie franchement. Le reste de la salle, qui n’est manifestement pas du même avis que moi, soutient le quintette finlandais et lui fait une une enthousiasmante ovation lors du final d’“Hunting High and Low”.

Il est 23h15. Le moment est venu d’annoncer le résultat du sombre plébiscite qui nous a tenus en haleine toute la journée. Sur la scène Omega, un backdrop démoniaque et un fumigène blanchâtre annoncent la venue de l’obscur pontife. Un cri retentit : Habemus P a P a M ! Adam Michał Darski, dit Nergal est le Nouvel ambassadeur du Malin sur terre ! La Grand Messe de Behemoth peut enfin commencer.


Effrayé, sans doute, par la noirceur ambiante, une bonne partie du public a déserté la salle après le set de Stratovarius. Seuls les fidèles (et les curieux dont je fais partie) ont osé rester. L’entrée en scène est théâtrale. Une sombre lumière (NDR : si, c’est possible) dévoile, un par un chacun des acteurs du noir rituel qui se prépare. Nergal est le dernier à monter sur les planches. Le teint blafard, le regard haineux, le hurleur polonais éructe ’Vous devez être fatigués d’avoir bouffé tout ce sucre pendant une journée !’ (NDR : un message destiné, sans aucun doute, aux quelques fans de Stratovarius encore présents). Malgré l’absence de pyrotechnie, la puissance de feu que dégage Behemoth est phénoménale. La musique est lourde, véloce et hautement venimeuse. Orion, le bassiste aux muscles saillants, ne tient pas une seconde en place. Sa face de guerrier barbare semble ne pouvoir exprimer que colère et haine. Comme étourdi par le déluge de décibels, le PPM fest ne répond que très peu aux invectives blasphématoires de Nergal et se contente de le toiser respectueusement lorsqu’il égraine son chapelet de monstrueuses prières “Ov Fire And The Void”, “Christians To The Lions”, “Slaves Shall Serve”, “Lucifer”. Il est minuit passé de vingt minutes et Nergal met fin à la cérémonie. Le groupe a joué à peine un peu plus d’une heure. Un concert extrême… extrêmement court !

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Behemoth

Photos © 2013 Hugues Timmermans

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