Les stéréotypes de genre dans le sport : le Vovinam Viet Vo Dao

J’ai rencontré Éva au sport, le même que je pratiquais avec sa sœur Anna. Quand j’ai parlé à Anna de la série d’articles que je voulais réaliser sur les stéréotypes de genre dans le sport, elle m’a tout de suite parlé de sa sœur et du sport de combat qu’elle pratiquait.  Alors, pour ce deuxième article sur le sport à l’épreuve du genre, j’ai choisi de parler d’un sport de combat qui est très peu connu : le Vovinam Viet Vo Dao. Dans le premier article, il était question de la boxe avec Lucie. (Vous pouvez le retrouver ici.) Les stéréotypes de genre ont toujours la vie dure : pour rappel, un stéréotype est défini comme étant une « idée, opinion toute faite, acceptée sans réflexion et répétée sans avoir été soumise à un examen critique, par une personne ou un groupe, et qui détermine, à un degré plus ou moins élevé, ses manières de penser, de sentir et d’agir ». Le genre, quant à lui, est défini comme « le concept qui désigne l’ensemble des caractéristiques relatives à la masculinité et à la féminité ne relevant pas de la biologie, mais de la construction sociale ». Un stéréotype de genre c’est donc un préjugé qui se base sur le sexe de la personne. « Les sports de combat, ce n’est pas pour les filles » est un stéréotype de genre. Bref, l’objectif de cette série d’articles est de s’interroger sur nos rapports aux sports et surtout sur nos stéréotypes. 

Éva, 17 ans, en Terminale S

Aujourd’hui, c’est Éva qui a bien voulu répondre à mes questions. Éva, c’est une jeune fille de 17 ans qui est actuellement en Terminale scientifique à Bordeaux. Elle a pour ambition de devenir médecin militaire. Éva a commencé le Vovinam Viet Vo Dao avec sa sœur en Seconde et a poursuivi la pratique de ce sport toute seule. « Je fais ce sport depuis ma Seconde, parce que même si on m’y avait emmenée petite, y voir des hommes de 1m80 à tout juste 10 ans m’avait fait une impression assez mémorable. Mais en Seconde, j’ai accroché. J’ai donc pu passer deux grades, ce qui pourrait être l’équivalent de deux ceintures. Je ne suis pas mauvaise dans ce sport, mais il me reste beaucoup de chemin à parcourir ». Le Vovinam Viet Vo Dao est un art martial vietnamien. Il a été créé en 1938 par le maître Nguyễn Lộc. Il existe dix principes qui régissent la pratique de cet art martial. La tenue du pratiquant se compose d’une veste et d’un pantalon en toile bleu clair. En France, la Fédération Française de Karaté (FFK) recense 12 000 pratiquants de cet art martial vietnamien. 

Pour Éva, ça a été très facile d’exprimer sa volonté de pratiquer ce sport. Elle écrit : « Ça a été pour moi très simple, j’ai toujours voulu faire un sport de combat, alors en Seconde, j’ai franchi le cap. Depuis toute petite j’ai un fort caractère et mes proches sont très ouverts, alors pour eux cela a été très simple de l’accepter. Après tout, il n’y a rien de choquant ». En effet, il n’y a rien de choquant à être une femme qui pratique un sport de combat, et aucune étude scientifique n’a de nos jours indiqué qu’une personne de sexe féminin était moins compétente qu’une personne de sexe masculin pour pratiquer n’importe quel sport. Malgré cela, les femmes sont toujours sous-représentées dans les sports à connotation masculine. Le ministère chargé des Sports a pourtant lancé depuis 2012 une campagne  pour « réaffirmer une politique volontariste en faveur du développement du sport féminin – dans l’accès au sport sur tout le territoire français –, d’un égal traitement des femmes et des hommes dans le sport de haut niveau, dans les médias, mais aussi dans l’accès aux fonctions d’encadrement technique et dirigeant des fédérations sportives ». Toutefois, les femmes sont toujours sous-représentées dans le sport. « En France, les femmes ont deux fois moins accès que les hommes à la pratique sportive dans certains territoires. Le taux de licenciées féminines dans certaines fédérations sportives très populaires est de seulement 4%. Et seules 20% des femmes qui font du sport le font dans un club ». (Lire ici  la politique du ministère des Sports). Les sports pratiqués par les Françaises en 2016 montrent que les femmes ne sont que 2% à pratiquer des sports de combat contre 44% à faire de la marche.

Pratiques sportives régulières des Françaises en 2016. Publié par Statista Research Department, 23 juin 2016.

Vous en conviendrez, c’est un écart assez important. Les femmes font majoritairement des sports dits féminins. Pour Éva, il n’y a aucune différence entre les femmes et les hommes dans le sport. « Au contraire, c’en est presque avantageux. Moi, je peux frapper ; eux, moins. Mais c’est vrai que si l’on pratique un sport comme celui-ci avec des personnes peu ouvertes, cela pourrait être compliqué. Cependant, je pense déjà qu’on ne devrait qualifier aucun sport de masculin : certes, pour des raisons physiologiques, une femme demeure plus limitée, mais elle peut totalement effectuer les mêmes pratiques physiques qu’un homme. À l’armée, par exemple, on ne trouve aucune différence entre les hommes et les femmes, alors que l’armée, « c’est un truc d’hommes », comme disent les gens. Alors non, être une femme dans ce genre de sport, c’est exactement la même chose, et pas question d’arrêter un exercice pour qui que ce soit chez moi ! Et puis on se bat tous les uns contre les autres, tout le monde est logé à la même enseigne ».

Aujourd’hui, la grande majorité des personnes que vous pouvez interroger sur la place des femmes dans le sport ne vous répondront jamais ouvertement que certains sports doivent être réservés aux femmes ou au contraire aux hommes. Malgré cela, les stéréotypes et les préjugés demeurent sur la capacité des femmes à faire tel ou tel sport. Les petites filles ne sont pas nombreuses à vouloir s’inscrire aux sports de combat, pourtant l’offre des sports existe et il n’y a nulle part mention que les personnes dotées d’organes génitaux féminins doivent passer leur chemin. Pour que les mentalités évoluent et que les petites filles comme les petits garçons aient accès au sport qui leur plaît, il faut qu’ils aient connaissance que ces sports existent, et que s’ils veulent essayer, ils sont les bienvenus : pour faire simple, il faut les encourager. Pour Éva, la réponse est simple quand je lui demande ce qu’elle dirait à une jeune fille qui veut pratiquer un sport de combat : « Je lui dirais de ne pas avoir peur. Alors oui, au départ, quand on voit 10 mecs de 1m75 minimum en kimono, tout transpirants, ça peut être flippant, mais nous on transpire autant qu’eux, et on se bat comme eux. Il ne faut pas avoir peur de s’affirmer : de toute façon, dans notre société, il faut ouvrir la bouche sinon on ne va nulle part, alors autant ouvrir la bouche et savoir se battre. Il faut se lancer, parce qu’une fois parti on ne s’arrête plus ».

Alors qu’est-ce que vous attendez pour prendre votre kimono et mettre au tapis les stéréotypes de genre ? 

Anne-Laure Querré

Merci à Éva qui a bien voulu répondre à mes questions. 

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