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Restitutions d’œuvres d’art: un rapport qui suscite beaucoup d’espoir en Afrique

Avant même sa remise au président Macron, le rapport sur la restitution de l’héritage culturel de l’Afrique a été largement diffusé et commenté, il est même édité aux éditions du Seuil comme un ouvrage de référence. Il est vrai que les propositions sur le sujet sont assez révolutionnaires. Il s’agit de rendre aux pays d’Afrique subsaharienne tous les objets détenus dans les musées nationaux français dont on ne pourrait pas justifier l’achat consenti.

Le rapport ne cible que l’Afrique en raison, expliquent les rapporteurs, d’une situation sans équivalent, puisque près de 90% des biens culturels africains, estiment-ils, sont détenus hors du continent.

Les deux auteurs, les universitaires Bénédicte Savoy et Felwine Sarr, recommandent à l’Etat français de conclure des accords bilatéraux avec chaque Etat africain qui en fera la demande afin de prévoir la restitution de biens culturels transférés hors de leur territoire d’origine pendant la période coloniale française.

« Le plus important, c’est le principe »

Une nouvelle positive estime-t-on au Musée des civilisations noires de Dakar. A moins de quinze jours de son ouverture, c’est la dernière ligne droite. Les caisses qui contiennent les œuvres du Burkina Faso, d’Egypte sont ouvertes en présence d’Hamady Bocoum. Le directeur général du musée se félicite bien évidemment d’un retour possible des biens spoliés par la France. « Le plus important c’est le principe. Je pense que l’une des conditions quand même, c’est d’avoir des équipements adaptés », souligne-t-il.

Difficile d’estimer le nombre d’œuvres qui pourraient être rendues par la France au Sénégal. Statues, masques… Hamady Bocoum pense également au sabre d’El Hadj Omar Tall, chef religieux vaincu par les Français. Son arme a été prise par l’armée à la fin du XIXe siècle. « C’était une forme d’humiliation. Ce sabre est là-bas, on nous l’a prêté deux fois. A chaque fois, ça a coûté extrêmement cher. Mais maintenant on va le revendiquer », explique-t-il.

Faire revenir le patrimoine en Afrique, c’est aussi la possibilité d’écrire l’histoire et de la transmettre estime Hamady Bocoum. « Il y a un patrimoine africain, rappelle-t-il. Partout, le patrimoine africain est parti dans des conditions difficiles : colonisation, esclavage. C’est une belle initiative. Pas pour culpabiliser, juste comprendre, savoir, tirer les leçons et avancer. Ce sont des choses qui ne doivent plus se reproduire. »

Si le continent manque encore de lieux, de compétences, le tout nouveau Musée des civilisations noires est l’exemple que l’Afrique se dote de structures aptes à recevoir les œuvres détenues par la France.

Au Bénin, bientôt quatre nouveaux musées

Le Bénin lui est en pointe dans la demande de restitution de ses trésors culturels. Le chef de l’Etat Patrice Talon a fait sienne cette cause. Mais il faut pouvoir gérer un tel retour des biens culturels. Alors le pays, qui dispose de six musées nationaux, s’y prépare.

En dehors de ceux de Natitingou et de Honmè assez bien tenus, c’est chez les privés qu’on trouve des conditions de conservation dignes des standards internationaux. Comme à la fondation Zinsou, où en 2006, trente objets du trésor royal du roi Béhanzin prêtés par le musée du quai Branly ont été exposés. « On a un bâtiment qui est entièrement équipé. On a un contrôle très régulier des œuvres et on essaye d’être aux normes », précise Marie-Cécile Zinsou, directrice de la fondation.

Conscient de l’état déplorable des lieux existants, le gouvernement a lancé un programme de rénovation et la construction de quatre nouveaux musées. Porto-Novo, Ouidah, Allada et Abomey vont accueillir des musées sur l’épopée des rois et des amazones, sur des civilisations vaudou et orisha et un musée Toussaint Louverture de la résistance.

« Quand on fait le calcul des surfaces prévues, on arrive à quelque chose de l’ordre de 7 500 mètres carrés, résume Alain Godonou, directeur des « programmes musées » à l’agence du patrimoine et du tourisme. Cela ressemble à un très grand terrain de football. »

Ouverture prévue pour 2021. Pour Alain Godonou, l’érection de nouveaux établissements n’effacent pas toutes les appréhensions. « L’état actuel de l’existant n’est pas satisfaisant, concède-t-il. Cela nous demande tout simplement d’être sérieux et de continuer à accorder l’attention qu’il faut à ces questions et à ces établissements qui seront mis en place. »

« Nous sommes prêts »

Le Gabon de son côté a quasiment terminé la rénovation d’un bâtiment colonial chargé d’histoire pour avoir longtemps servi d’ambassade des Etats-Unis à Libreville. Le tout nouveau Musée national ouvre dans quelques semaines et il est prêt à accueillir dans de meilleures conditions les œuvres qui se trouveraient en France.

Il y a plusieurs mois déjà, au sein de l’Unesco, nous avons indiqué que les pays africains allaient préparer des éléments pour accueillir les biens. Donc, effectivement, nous sommes prêts à accueillir les œuvres.
Ecoutez le reportage dans le chantier du nouveau Musée national du Gabon 22/11/2018 – par Yves-Laurent Goma Écouter


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