Lirisme, 6

par Aurélie Foglia. Lire les autres épisodes.

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les écrivains n’ont pas de vie

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ils ont une biographie

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toi qui tires sur toi

ton volet de fer

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souviens-toi

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du vol ras d’un scarabée

dans la véranda

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de ceux qui sont venus

nous trouver

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parce qu’ils avaient découvert

de la vie sur terre

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surpris en train d’allaiter de l’encre avec des larmes de salive

tu palpes sur tes genoux la plastique évanouie d’une parole

se livre à tous ceux qui ont ce désir d’incompréhension et de saisir

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et toi maintenant à toi

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cette histoire d’amour te venait avant tout

des troubadours de la Grèce de Pétrarque avec un rien de Ronsard plus une pincée de Racine du Duras égaré peut-être

ne pouvais-tu que finir

par déclarer ta flamme au fast-food

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maintenant tu as la main

voûté sur les feuilles comme le fut un ciel ton dictionnaire fuit

va dépêche-toi de prendre tout ce que tu ne peux pas emporter

de faire tes réserves dans ton garde-mémoire

rien ne sera là au-delà

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pendant que tu prends ce bain

à moitié inconscient avec des essences de plantes et des esprits

massé par la main derrière qui sait comment

faire pour appuyer sur la détente de ton corps

goutte le temps comme toi et moi au robinet reste

à attendre que les choses se déposent avant de revenir

avec un masque opérer le dernier tri

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appelle livre l’implosion n’importe quand d’un présent

l’allègement du corps vidé de sa récolte

l’encodage d’un oiseau dans son cri blanc et noir

la cuve où macèrent les caresses des coups

le ruban enroulé au poignet de l’existence entière

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sous la porte noire

repter jusqu’au récit

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changer de saison

de sexe de langue

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sortir de nulle part

se figurer en face

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être celui dont on remue

les bras avoir des sentiments

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étrangers aimer une voix

qui ne peut pas répondre

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je fore ce que je frôle

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rien qu’à secouer par le bas tes habits tombent en poussière

la mort en sort je ne me répands pas

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j’ai écrit des passages entiers de ta vie sans le savoir

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j’habite ce qui me hante

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passé après tout le monde où personne n’a de passé

tu te vois dans un livre te raconte tout bas des vies te rappellent

un goût récent de cendres dès que tu fais semblant de dormir

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or

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nous avons posé des bougeoirs au bout de nos doigts

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pourquoi clamer la supériorité de la pluie sur les sources ? est-ce l’époque qui le demande ?

où la neige de nuit devient boue les livres même commencent à perdre

contenance des mots comme amour les mains sont moites à force d’avoir trempé

dans trop d’actes obscurs

les pages sont des portes éventrées qui béent sans fin sur leurs blessures

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je n’ai plus de livres

reliés à rien dans les rayons des années manquent

de ces corps que donnent d’autres mains

gardent le silence dans leurs poings

fermés les souvenirs s’en vont par la bonde qui est au fond

je n’ai plus de je

minute ce manuscrit pour qu’il parle sans moi

dont les pages noircissent à l’air libre avant de prendre ma poussière

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