Le temps des gourous

La popularité du chercheur Didier Raoult se mue en phénomène de société où se mêlent méfiance et admiration. Praticien pressé en mal de reconnaissance ou médecin aguerri, l’homme ne laisse pas indifférent au point de fasciner…ou d’agacer.

L’homme est passé du statut de médecin inconnu du grand public à celui de sauveur, et disons le franchement de gourou. Le professeur Raoult, si discret avant le début de la crise du coronavirus, a soudainement été élevé au rang de sauveur de l’Humanité car celui-ci prétendait, et prétend encore, détenir le médicament, la molécule miracle capable de guérir tout un chacun du covid-19 : la chloroquine. Depuis, nombre d’études, dont celle du Lancet, sont venues confirmer, infirmer ou pondérer les expériences menées par le professeur marseillais.(Lire franceinfo.fr : https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie) Pour autant, l’enthousiasme, voire la ferveur presque iconique, qui entoure ce médecin charismatique à la dégaine de hippie égaré dans le XXIème siècle, n’est pas sans interroger sur le phénomène de dévotion qui nourrit l’image du praticien. Notre époque, visiblement en manque de repères, semble, pour une frange de la population en tous cas, s’être trouvée un gourou, éloigné du carcan étriqué de la recherche médicale et prêt à mettre au service du bien commun sa découverte. Didier Raoult n’est d’ailleurs pas le seul à avoir hérité de cette aura. Greta Thunberg, à sa manière, pourrait aussi très bien être affublée du titre.

Humanisme et contre-pied

Il est vrai que cette position, que d’aucuns qualifieraient d’humaniste, voire démagogique, à côté de la superpuissance des laboratoires pharmaceutiques lancés dans une course à la découverte d’un vaccin, tranche et étonne, pour ne pas dire agace. Est-ce à dire cependant que, par devers lui, le professeur Raoult incarne une forme de candeur et de désintéressement tels qu’ils poussent l’individu vers une popularité hors-norme ? Chacun apportera sa réponse à l’aune de ses convictions mais il est clair qu’il existe bien un phénomène Raoult. Entre Zorro et Jean Valjean, le professeur Raoult navigue dans les eaux troubles d’un anti-système qui séduit par sa fraîcheur, son contre-pied insolent à une communauté scientifique méfiante et une classe politique désemparée. (Lire lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/politique) Alors ? Gourou ou pas ? La question reste entière car devant l’ampleur de la pandémie et sa dangerosité, il conviendrait de ne pas spéculer sur quoi que ce soit, surtout pas sur les effets d’une molécule. Mais le professeur Raoult, que sa popularité ne semble pas émouvoir outre mesure, fidèle à ses convictions, illustre à sa manière une rébellion médicale qui contraste avec la doxa scientifique souvent absconse et incompréhensible pour le grand public. Et c’est peut-être là justement que se trouve le coeur du problème, l’homme a utilisé une molécule connue de longue date pour lutter contre un virus certes nouveau mais qui n’est pas invincible non plus.

Logorrhée et interrogation

Clairement, il a dédramatisé, essayé tout du moins, une crise sanitaire tout autant anxiogène de part sa nature que par le traitement politique et médiatique qui en a été proposé. Bercé par une logorrhée angoissante composé de mots forts tels que guerre, confinement, masque, contagion et autres distanciation sociale, Didier Raoult pourfendait l’atmosphère pesante et mortifère d’une crise inconnue. Se voulait-il rassurant ? Lui seul peut l’affirmer mais il est clair que ses affirmations sur les effets de la chloroquine ont ému, y compris au sommet de l’État, le président Macron se fendant courant avril d’une entrevue de près de trois heures avec l’homme providentiel. Et le Ministre de la Santé, Olivier Véran, saisissant même le Haut conseil de la Santé publique suite aux révélations du Lancet (Lire lefigaro.fr : https://www.lefigaro.fr/flash-actu/) Que convient-il alors de penser de ce héros des temps modernes ? L’interrogation demeure. Une chose est certaine cependant, gourou ou pas, si Didier Raoult marche sur l’eau, transforme l’eau en vin et multiplie les petits pains, alors il aura dépassé le statut de gourou ! Quant à la chloroquine… ?

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