Crime:
St. John Legh Clowes

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4
On 12 avril 2020
Last modified:12 avril 2020

Summary:

Un excellent film noir à l'américaine mais pourtant bien 100% britannique à l'exception de l'acteur Jack La Rue. Sombre et violent, le film fit scandale à sa sortie

Un excellent film noir à l’américaine mais pourtant bien 100% britannique à l’exception de l’acteur Jack La Rue. Sombre et violent, le film fit scandale à sa sortie

No Orchids for Miss Blandish (1948)

(Pas d’orchidées pour Miss Blandish)

Réalisé par St. John Legh Clowes

Ecrit par St. John Legh Clowes d’après le roman de James Hadley Chase

Avec Jack La Rue, Hugh McDermott, Linden Travers, Danny Green, Walter Crisham, Michael Balfour, Lilli Molnar, Zoe Gail,…

Direction de la photographie : Gerald Gibbs / Montage : Manuel del Campo / Direction artistique : Harry Moore / Musique : George Melachrino

Produit par St. John Legh Clowes

Tourné aux Studios Alliance, Twickenham

Crime

102mn

UK

Mlle Blandish (Linden Travers), une jeune héritière new-yorkaise très en vue et sur le point de se marier, reçoit des orchidées de la part d’un inconnu avec une carte sur lequel il est écrit « Ne le faites pas ». Mlle Blandish fait répondre tout simplement le message suivant : « Pas d’orchidées pour Mlle Blandish ». Johnny, le petit ami de sa bonne, récupère l’argent de machines à sous pour des escrocs qui règnent sur la ville, les Grisson. Afin de payer un manteau de fourrure à sa promise, Johnny leur propose de cambrioler le couple de futurs mariés et de voler les bijoux de Mlle Blandish. Mais il se fait jeter, et les petits escrocs qui prennent le relai, foirent le coup. Le fiancé et Johnny sont tués, et Mme Blandish est kidnappée. Mais c’est là qu’intervient le redouté Slim Grisson (Jack La Rue). Malgré une promesse de rançon d’un million de dollars, il libère Mlle Blandish. Celle-ci s’aperçoit que c’est l’homme à l’orchidées et décide de rester près de Slim, ce qui attire l’attention de la police et la colère de son gang.

« No Orchids for Miss Blandish » est un film noir se déroulant à New York et qui reprend tous les ingrédients du genre. On s’y croirait. Pourtant il s’agit bien d’un film noir britannique, dont le seul élément authentiquement américain est l’acteur Jack La Rue, un célèbre méchant hollywoodien des années 30.

Britannique à commencer par l’auteur du livre d’origine, James Hadley Chase. En 1939, il publie son premier livre « No Orchids for miss Blandish » en prenant modèle sur des classiques du genre : « Sanctuary » (1931) de William Faulkner et « The Postman Always Rings Twice » (1934) de James M. Cain. Son ambition, faire plus noir et plus violent. Mission réussie, le succès est au rendez-vous dans les librairies puis sur scène quand le livre est adapté en pièce dans le West End à Londres. Une adaptation cinématographique était à attendre, ce sera le cas en 1948 donc.

Le projet cinéma a été initié par le producteur Sidney Box, qui appelé à prendre la tête des Studios de Gainsborough, vend le projet à un petit producteur indépendant, Renown Pictures. Après tout, l’année précédente « Brighton Rock » adapté de Graham Greene a montré que l’on pouvait faire des films de gangster en Angleterre qui n’ont rien à envier à leurs équivalents américains en terme de noirceur.

Pour chapeauter le projet, Renown Pictures fait appel à St. John Legh Clowes, producteur de la pièce de théâtre, qui a déjà touché au cinéma, et signe ici le scénario, la réalisation et la production. Etonnamment, le scénario passe la censure après quelques retouches et surtout une modification du personnage de Slim, qui ne peut être un psychopathe qui aime planter des couteaux dans le ventre de ses victimes comme dans le livre. La violence devra être atténuée, et Slim ne jouera pas avec son couteau mais avec des dés (bien plus inoffensifs !).

Mais à la sortie du film, la presse britannique se déchaine. Au-delà de la critique sur l’authenticité de la démarche (avec des acteurs anglais qui tentent d’imiter l’accent américain parfois avec maladresse), les critiques reprochent au film sa violence et sa vision du sexe et de l’amour (comment une jeune femme de bonne famille pourrait tomber amoureuse d’un truand ?). Le film est charcuté avant projection à Londres et d’autres villes refusent tout bonnement la projection.

Et pourtant « No Orchids for Miss Blandish », regardé plus de 70 ans plus tard, est un film noir d’excellente facture. Je ne me prononcerai pas sur les accents et sur le jargon pseudo-américains (qui ont donc fait bien rire à l’époque), mais sinon on s’y croirait. Le film est cruel à souhait, à l’image de ses personnages de truands aux gueules improbables. Les morts s’accumulent, et c’est rarement de cause naturelle !

Faisant une entrée remarquée à la fin du premier tiers du film, Jack La Rue est un excellent méchant (mais au grand coeur quand il s’agit de sa poupée), Linden Travers (vue dans « The Lady Vanishes » d’Hithchcock et « Week-end » de Carol Reed) reprend le rôle qu’elle avait au théâtre, Walter Crisham et Lilli Molnar notamment font une belle brochette de truands, et Zoe Gail livre quelques numéros de music hall dans la plus pure tradition américaine.

Grâce à l’éditeur britannique Powerhouse, on peut enfin voir « No Orchids for Miss Blandish » dans de bonnes conditions. C’est une excellente nouvelle pour les amateurs de film noir.

Blu-ray UK. Studio Powerhouse, collection Indicator (2019). Version originale avec des sous-titres optionnels en anglais. Bonus : livret de 32 pages, interviews vidéo, Moyen métrage de propagande « Solider, Sailor » de 1945 et sur le quel St. John Legh Clowes a travaillé