A bsence
à peine
couleurs à peine posées
murmure de la lumière
instant de grâce
contemplation
ascèse
ce que dit l’absence d’écriture
ou le silence des arbres nus
quand les herbes sèches dessinent un espace
de solitude accomplie
__________
B eau
J e viens d’un arrière-pays
plat et sans doute monotone
pour des yeux tristes
je suis venue ici
aujourd’hui
car j’espérais voir
ceci
qui me comble
de joie
inexpliquée
inexplicable
voile de lumière
si fin
que la falaise en semble
transfigurée
mon être devient léger
et fin
si fin
que mon corps semble
s’élever
ce que je vois n’est réel
que l’espace d’un instant
car la lumière change
unique en sa source
jamais la même
en ses apparences
ce que je vois est réel
mais si peu vrai en un sens
que je ne sais plus
rien
sauf la beauté
multipliée
et transparente
de la lumière
qui devient
ceci
J e viens d’un arrière-pays
plat et sans doute monotone
pour des yeux tristes
mais vrai comme la vie
penchée vers le sol
la lumière habille la nudité de la terre
fait chanter son aridité
offre le beau
même aux yeux tristes
dans les reflets de l’eau
__________
Le R imbaldien
Eaux profondes, surface miroitante agitée de remous, petite houle, le quai est désert, aucun bateau dans le cadre de la photo, mystère des bords, 21-21, 321 jours que Le Rimbaldien est parti toutes voiles dehors sur des routes maritimes connues de lui seul, le capitaine est un aventurier hors norme, on le surnomme Arthur, seuls quelques vieux dans le port savent encore pourquoi… L’aurore aux doigts de rose attendrit le ciel au-dessus de la ville qui abrite les marins entre deux voyages. Les points lumineux qui ponctuent la ligne du quai d’en face vont bientôt s’éteindre, le jour se lève une fois de plus après la nuit. Entre les quais, la masse bleu sombre de l’océan exerce une force d’attraction irrésistible, pas besoin de sirènes, à moins que leur chant ne parvienne aux oreilles séduites sur une longueur d’onde normalement inaudible. L’océan attire les albatros en mal de mer, son dos rugueux fait glisser les coques sur l’écorce de la Terre-mère qui repousse ses enfants trop malheureux. L’appel du grand large rend les bateaux ivres. L’immensité du monde est promise à ceux qui osent s’écarter des quais. Le vent se lève d’un bout du monde à l’autre, il suffit de le laisser gonfler les voiles. Promesses! Promesse du tout Autre! L’éternité de l’instant attend celui ou celle qui se laisse éclabousser par les vagues de l’océan. Les flancs du bateau sont battus par les vagues au rythme des battements de cœur. L’eau est vive pour les vivants. Les souvenirs des noyés scintillent à la surface de l’écume qu’ils ont caressée. Les noyés nagent en compagnie des sirènes, ils sont les créateurs d’un monde nouveau. Le monde réel n’existe plus, ne reste que les possibles du monde rêvé, le ciel est frère de l’océan, et les âmes naviguent là-haut avec toute la bravoure des marins au long cours. Misère! Misère! Nous voulons fuir cette terre de misère! Misère des corps, misère des cœurs, pauvres de nous, pauvres hères qui errons sur la terre… La mer et le ciel sont nos refuges, notre destin se lit en regardant les étoiles. Voyez! Voyez cette étoile qui brille si fort au firmament! Parole de voyant qui désire la richesse, à nulle autre pareille, des pierres précieuses du vide intersidéral, pierres angulaires de tous les rêves… 321 jours que le Rimbaldien est parti, 321 jours qu’un enfant triste espère son retour en imaginant sa folle navigation. Les flaques laissées par la pluie ou n’importe quel récipient rempli d’eau figurent toutes les mers du monde. Les coques de noix qu’il sort de ses poches pour les faire glisser sur la surface étale affrontent les éléments quand les brindilles qu’il agite font des ronds dans l’eau. L’immense est devant lui dans le cercle d’une flaque…