Lundi soir, sur Canal+, la première du Grand Journal version Antoine de Caunes a réalisé un gros succès d’audience. Près de 2 millions de téléspectateurs ont ainsi pu apprécier, dès les premières secondes, un sketch enregistré digne de Michel Leeb : censé ouvrir la porte qui le conduira au plateau de l’émission, l’animateur se trompe de lieu et découvre un local à poubelles dans lequel, comble du bon goût, un éboueur noir prend visiblement sa pause déjeuner, installé sur une benne à ordures. Décontenancé, Antoine de Caunes comprend alors sa méprise tandis que l’éboueur lui indique d’un geste de la main (sans doute ne sait-il pas parler français) la bonne direction. Sans un mot ou un regard de remerciement, l’animateur se précipite alors vers le plateau pour entamer son émission.
En 2003, l’auteur Gaston Kelman dénonçait déjà, dans son célèbre ouvrage « Je suis noir et je n’aime pas le manioc », l’usage récurrent de cette image dévalorisante :
Cet humour à base de clichés rances se prolongera au cours de l’antenne: lors de la séquence météo, la présentatrice-humoriste Doria Tellier, censée incarner un « coach en séduction », fera mention (à 0’56) de son goût pour les « grosse bites de black ».
Après le « mythe de l’éboueur », même chose pour le sexe selon Gaston Kelman:
Le sociologue Pascal Blanchard avait traité de ce sujet, également décortiqué par le journaliste Serge Bilé, dans une analyse relative à une campagne de publicité :
« Le Noir, bronzant sur la plage, en maillot, « doit » avoir un grand sexe. L’ethnic rejoint le freak, comme au temps des zoos humains. Déformation du corps, exclusion sociale, différence raciale, anormalité… tout cela correspond aux mêmes normes corporelles de la différence… On peut même en rire puisque c’est du second degré (…).
Comme toujours, on retrouve dans cette publicité une vieille habitude stéréotypique. Les noirs « sont » toujours et encore des corps, essentiellement des corps, bon pour la danse, la guerre et l’amour. Depuis toujours, le corps noir a été situé à la limite de l’extrême. Corps puissants, différents, dangereux, c’est le sauvage que l’on colonise. C’est aussi la beauté noire, la puissance, la force, le sexe débridé, donc long, immense, sans fin, pour conjurer le tabou, renforcer l’interdit. Aller avec un corps, c’est humilier l’homme blanc, c’est reconnaître son infériorité. D’où le besoin de stigmatiser l’anormalité de l’acte. Une femme qui aime les Noirs aime les grands sexes. Elle entre alors dans une double catégorie, à moitié prostituée, à moitié animale ».
T’en as oublié un ! L’accent du sud de la présentatrice météo ! Marre de cette représentation des femmes du sud.