Mehr Licht ! ou Itinéraire d’un enfant bâté. (7)

La série hebdomadaire de Jean-Marc Claus - une vue très personnelle sur notre belle région transrhénane du Rhin Supérieur et - l'Europe. Notre Europe. (7)

C'est au Hartmannwillerkopf que l'on voit encore l'horreur de la guerre. Foto: Eurojournalist(e) / CC-BY-SA 4.0int

(Par Jean-Marc Claus) – Sur son lit de mort, Victor Hugo affirmait : « Je vois de la lumière noire » alors que dans la même situation, un demi-siècle plus tôt, Johann Wolfgang von Goethe s’exclamait : « Mehr Licht ! Mehr Licht ! ». Je me suis trop longtemps réclamé du premier tout en méprisant le second. Trop longtemps, c’est mon enfance, mon adolescence et une partie de mon âge adulte, période rapportée ici par l’ex-enfant bâté que je suis.

Épisode Sept : HWK vs C2E

Lorsque j’étais enfant, un jour, nous nous sommes rendus en « pèlerinage » au Hartmannswillerkopf, le Verdun alsacien, et à Colombey les Deux Églises, la Mecque gaulliste. Il y eut aussi, dans la même dynamique mémorielle concurrentielle, le Konzentrationslager Natzweiler-Struthof et la Ligne Maginot, mais durant mes années de collège, c’est le match HWK versus C2E qui m’a le plus passionné. D’un côté, l’horreur et la sauvagerie des Alamans, de l’autre l’honneur et le génie des Gaulois ! Le tout durant deux Guerres Mondiales, la première aspirant à être la dernière, et la seconde essaimant de par le monde en de multiples métastases appelées Guerre Froide, Conflits Coloniaux, Conflits Post Coloniaux, Guerres Contemporaines, etc…

Cette analyse historique erronée, me conduisant à opposer de façon totalement aberrante le Hartmannswillerkopf et Colombey-les-deux-Églises, ne m’a pas été enseignée et encore moins dictée. C’est mon ignorance, combinée à une certaine paresse intellectuelle, qui m’ont directement conduit à tenir ce genre de raisonnement binaire particulièrement confortable. En clair : « Si on n’est pas du côté des méchants, c’est qu’on est un bon et si on est un bon, c’est donc qu’on est du bon côté. ». Une approche d’une redoutable efficacité applicable, lorsque réfléchir devient trop pénible, à de nombreux domaines de la vie. En tous temps et en tous lieux, la pensée binaire ne manque jamais d’adeptes, ces derniers se réclamant d’Aristote et de Descartes pour les plus cultivés, ou d’un quelconque livre sacré pour les autres… Un positionnement normatif absurde ayant, au début des années vingt du 21ème siècle, la tendance à séduire moult de nos concitoyens.

« Mangeuse d’hommes », Montagne Sacrée d’Alsace, le Hartmannswillerkopf francisé en Vieil Armand à l’issue de la 1ère Guerre Mondiale a dévoré 25.000 vies, disent les brochures touristiques, allant même parfois jusqu’à préciser « en majorité françaises ». 25.000 vies anéanties et combien de milliers d’autres brisées, invalidées, ruinées ? Loin de l’analyse qu’en a fait en 2004 Daniel Ziegler dans son court-métrage « HWK, la mangeuse d’hommes», l’impression qui se dégageait de ce site, dans les années soixante-dix, était propice à se laisser aller à la facilité de la logique binaire : les Allemands étaient des monstres sanguinaires et les Français d’héroïques victimes. Fort heureusement, le réaménagement du site et le travail des historiens ont depuis permis de passer à la logique tétravalente, pour ceux qui souhaitent en faire l’effort.

Autre colline, où fut aménagé au début des années soixante-dix le Mémorial Charles de Gaulle, dominée elle aussi par une croix, de Lorraine et non latine comme celle du HWK, celle de Colombey-les-deux-Églises m’apparut telle la Statue de la Liberté accueillant les migrants à l’entrée du Port de New York ! Le Grand Charles, comme l’appelait mon oncle « Malgré-nous », né à « Mörle » en 1924 et immigré en Suisse Alémanique depuis la fin des années soixante, c’était la Statue du Commandeur ! Une figure paternelle mais vengeresse, honneur de la France Libre et Éternelle, une voix sortie de la TSF le 18 Juin 1940 puis proclamant la libération de Paris le 25 Août 1944 ! Avec lui, je me sentais Résistant et j’occultais sciemment Konrad Adenauer, cet Allemand anti-nazi qui de fait n’entrait pas dans le cadre de ma logique binaire pour laquelle on ne pouvait être Allemand et anti-nazi ! Ainsi, dans ma pauvre tête, le Traité de l’Élysée signé juste un an avant ma naissance n’avait purement et simplement jamais existé !

Fortsetzung folgt…

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