VW : la marque à l’odeur brune

White Power to the Beetle

1940 : la KdF Wagen... Miniature,Hamburg Foto: Andy Mabbett/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/3.0Unp

(Marc Chaudeur) – Le spot publicitaire de Volkswagen a fait le tour du monde, ce que recherche la plupart des agences publicitaires. Mais il l’a fait pour de très mauvaises raisons. Un spot indéniablement raciste. Aveuglement, stupidité, fax, ou intention tout à fait concertée ? Nous pencherions pour la dernière éventualité.

La marque s’appelle Volkswagen , « voiture du Peuple ». Peuple avec un P majuscule, oui ; peuple völkisch. L’histoire de la firme commence entre 1933 et 1936. Sale histoire, histoire sale. On n’ira pas jusqu’à prétendre que l’entreprise VW de 2020 est tout à fait la même  qu’au début, mais…

L’entreprise est une création directe, consciente, d’Adolf Hitler, qui voulait que les gens du Peuple puissent tous disposer d’une voiture. Normal : Hitler avait fait construire des autoroutes, et il fallait mettre en… route la logique capitaliste bien connue : créer le besoin – commercialiser le moyen de le satisfaire. Soit. Les premiers prototypes et les premiers exemplaires, en tout cas, sont des éléments essentiels de la propagande nazie. C’est l’organisme nazi Kraft durch Freude qui s’en charge ; les premiers prototypes de la Coccinelle s’appellent : KdF-Wagen. La première pierre de l’entreprise, véritable petite ville baptisée Wolfsburg, a été posée le 26 mai 1936 en présence et avec un discours enflammé du Moustachu diabolique. Volkswagen voiture du Peuple, oui : mais dans l’idéologie nazie, le mot Volk est indissociablement liée à une signification (bien plus encore qu’à une simple connotation) raciste, völkisch : le « Peuple », c’est le peuple blanc « de sang aryen ». Il faut entendre cela à chaque fois que nous entendons prononcer le mot Volkswagen…

On dira que la firme a changé depuis 1950, ce qui est indéniable. Pourtant, VW traîne avec elle, à travers des affaires lourdes et plus qu’embarrassantes, un sillage sombre et puant. Dans les années 1964-1965, le directeur de VW Brésil, Friedrich Schultz-Wenck, a salué avec grand enthousiasme l’arrestation, le tabassage et la torture d’ouvriers de sa firme, après avoir transmis des informations sur les dirigeants syndicalistes aux putschistes. En 2015 éclate l’affaire des trucages de logiciels pseudo-anti-pollution installés dans les voitures. Bilan : 1 million de tonnes d’hydroxyde d’azote par an de pollution « clandestine »… En 2018, affaire des Singes : VW reconnaît avoir fait respirer des gaz à des Singes pour expérimenter les effets – cela sent très mauvais pour une firme fondée en 1936 en Allemagne… Eau et gaz à tous les étages.

Et nous voilà en 2020 avec ce clip… puant, intolérable et qui relève bien évidemment du domaine pénal. En bref : VW jaune vif ; un homme noir est chassé des alentours, comme un petit jouet gênant, par une main blanche géante – vers un café qui s’appelle … « Le Petit Colon » ! En passant, les lettres ” Der neue Golf » commencent par composer ce qu’en Allemagne, on appelle le « N-Wort », en clair, Neger… Et ce geste de donner une chiquenaude a été interprété par beaucoup comme formant le fameux geste White Power illustré par Marine Le Pen l’an dernier lors d’une rencontre gluante avec un militant nazi.

Que s’est-il passé ? Etourderie, aveuglement ? Ce serait bien étonnant dans un métier où chaque fraction de seconde est pensée en vue de son effet sur les spectateurs/auditeurs ! Un fake ? Non : VW a explicitement reconnu le problème et présenté ses excuses. Qui ne suffisent pas, à notre sens : il faut que des associations anti-racistes portent plainte.

D’autant plus que l’atteinte est certainement intentionnelle. Pour nous, il s’agit d’un appel du pied qui signifie : « Bin tins, voyez, nous sommes encore une marque pour le Peuple ! » Ce qui, dans cette optique, a exactement la même signification qu’en 1936. Celle que colporte la racaille fasciste, raciste et antisémite de l’AfD. Le spot de VW est un appel du pied tout à fait conscient à l’idéologie, à l’affect et à l’infect qui traînent dans certains milieux en Allemagne (et pas seulement en Allemagne, certes) actuellement.

Nous en saurons plus très bientôt. Mais il faut que la marque à l’odeur brune, la marque völkisch, paie. Il faut que les associations de Droits de l’Homme et antiracistes lui intentent un procès.Espérons qu’elles le feront.

A lire pour ceux qui ont l’estomac solide: Christopher Kopper

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste