La Covid-19 sauvera-t-elle la SATA de la privatisation ?

Suite à la pandémie de Covid-19, l'Assemblée Législative des Açores recommande au Gouvernement Régional de renoncer à la privatisation de compagnie aérienne locale.

Une Dash 8 de la SATA (Serviço Açoriano de Transportes Aéreos) Foto: Aero Icarus from Zürich, Switzerland / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(Jean-Marc Claus) – En rien comparable à Air France, si ce n’est qu’elle est aussi une compagnie aérienne, la SATA (Serviço Açoriano de Transportes Aéreos) fondée en 1941, possède une flotte de 14 appareils et exploite 4 des 9 aérodromes de l’archipel des Açores (Pico – Graciosa – Corvo – São Jorge). Comme pour le groupe Aéroports De Paris (ADP), le projet de privatisation d’une partie de son capital faisait déjà saliver les spéculateurs. Comme pour le groupe Aéroports De Paris, la Covid-Crise a produit ses effets sur le courage légendaire des boursicoteurs. Une fois de plus, preuve est faite qu’il leur est toujours plus facile de licencier un(e) salarié(e) pour accroître la profitabilité d’une entreprise que d’investir un euro dans une compagnie ne pouvant garantir des bénéfices…

Pour la SATA, le projet de privatisation concerne 49% du capital social de sa filiale Azores Airlines, assurant les vols reliant l’archipel à l’Europe continentale et à l’Amérique du Nord. Autant dire qu’une fois adopté, il ne serait pas bien difficile, moyennant astuce et patience, de rafler tôt ou tard les 2% manquants pour mettre la puissance publique en minorité. Or, le 19 mai 2020, l’Assemblée Législative des Açores (ALRAA) a approuvé une recommandation enjoignant le Gouvernement Régional de renoncer à privatiser la compagnie aérienne locale. Ceci, en raison de l’incertitude causée par la Covid-19 (sic), comme le rapporte une dépêche de l’agence de presse Lusa.

Cette recommandation est portée par un ensemble de parlementaires de gauche formé du Partido Socialista (PS), du Bloco de Esquerda (BE) et du Partido Comunista Português (PCP). Ensemble auquel s’est associé le Partido Popular Monárquico (PPM), petit parti de centre-droite fondé en 1974 par des opposants au fascisant Salazar, et dont l’actuel président est député à l’Assemblée Législative des Açores. Les représentants du Partido Social Democrata (PSD) de centre-droite, et du CDS-Partido Popular (CDS-PP) de droite, se sont abstenus, ainsi que la députée  Graça Silvera, devenue indépendante car en rupture avec le CDS-PP depuis octobre 2019. Ce qui fait un total de 34 voix pour (30+2+1+1), soit près de 60% des suffrages, et 23 abstentions (19+3+1), mais aucune voix contre. Voilà qui en dit long.

Paulo Estêvão (PPM), se référant au rôle de la SATA dans le transport des patients entre les îles et son voyage en Chine pour approvisionner l’archipel en matériel, estime que la compagnie doit demeurer dans la sphère publique. Ce à quoi António Lima (BE) ajoute que le droit à la mobilité des insulaires ne peut être défendu qu’avec une SATA appartenant totalement à l’État. Dans le même ordre d’idées pour João Paulo Corvelo (PCP), la privatisation d’une partie du capital de la société signifierait à terme la disparition de l’entreprise de la sphère publique.

Ne se positionnant pas clairement par rapport à la nécessité d’assurer un service public de qualité et indépendant des puissances d’argent, Carlos Silva (PS) souligne seulement que la période d’incertitude actuelle ne permet pas de réunir les bonnes conditions nécessaires à la privatisation d’une partie de l’entreprise. Ce qui le fait rejoindre en quelque sorte le point du vue du PDS, exprimé par António Vasco Viveiros jugeant nécessaire de suspendre temporairement ce processus. Pour le CDS-PP, Artur Lima, estimant la question très importante pour la région, veut attendre les décisions de l’UE et connaître les aides que l’État accordera aux compagnies aériennes. Quant à Graça Silvera (ex CDS-PP), il semblerait qu’en regard de la crise traversée en ce moment, seule l’actuelle absence de possibles investisseurs lui importe.

Le gouvernement régional n’a pas pris part aux débats, mais le 24 Avril 2020, Vasco Cordeiro (PS) qui le préside, avait admis que la pandémie de Covid-19 pourrait affecter la décision de privatiser une partie d’Azores Airlines. Ce même président qui voit dans cette crise sanitaire depuis début mai « une opportunité pour relancer l’Europe » (sic). On comprend alors mieux le vote du PS et le positionnement équivoque exprimé localement par son leader. Voici donc une affaire à suivre, mais il n’en demeure pas moins qu’une fois de plus, quand la Péninsule Ibérique montre la voie, l’Europe regarde le doigt…

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