La Dernière Licorne de Tobby Rolland

De nouveau un partenariat avec NetGalley et les éditions des Presses de la Cité, que je remercie pour cette lecture.
J’aime beaucoup les romans ésotériques, et ce, depuis ma lecture assidue du Pendule de Foucault du très regretté Umberto Eco ! J’aime les romans ésotériques car il fut un temps dans ma vie où je me suis passionnée pour l’ésotérisme, la gnose, les premiers chrétiens, les mystères des Manuscrits de la Mer Morte, entre histoire et philosophie, spiritualité et quête de soi. Le problème avec les romans ésotériques c’est qu’il faut une solide culture générale pour embarquer le lecteur dans un monde presque irréel. Et aussi une puissante imagination pour dépasser les a priori et les opinions toutes faites. Internet est un allié de poids avec toutes ces théories du complot : « on nous cache tout on nous dit rien » serait un très bon slogan de publicité pour tous les romans ésotériques !

Le roman de Tobby Rolland fait partie de ce genre, avec comme souvent pour toile de fond la Bible et ces évènements si anciens que l’on ne sait s’ils sont vraiment des mythes ou les souvenirs d’un passé enfoui dans l’inconscient collectif. Ici il s’agit de la tradition du Déluge et de l’Arche de Noé qui, comme on le sait, se retrouve dans de nombreux mythes à travers le monde, en particulier dans celui de Gilgamesh en Mésopotamie. Les rédacteurs de la Bible ont sans doute repris ces histoires et j’ai déjà vu des reportages qui tentaient de démontrer qu’un déluge avait bien eu lieu, entre la Méditerranée et la Mer Noire.

Synopsis

Turquie, marché d’Igdir. Aman, la fillette kurde dont la famille est gardienne millénaire du mystère de l’Ararat, n’aurait pas dû accepter cette licorne en bois… Elle savait que c’était interdit.
Melbourne, Parlement mondial des religions. Un rapport secret est alarmant : les glaces du mont Ararat fondent inexorablement. L’« anomalie d’Ararat », cette forme détectée au cœur du glacier, est-elle « la » preuve que l’arche de Noé s’y est échouée comme le racontent la Torah, la Bible et le Coran ?
Arménie, Etchmiadzine. Quatorze mercenaires font irruption dans la cathédrale pour s’emparer d’une relique inestimable : un fragment de l’arche. Leur but : ne laisser aucun témoin. C’est le déclenchement d’une vague de meurtres aux quatre coins du monde.
Vatican, enfer de la Bibliothèque apostolique. Zak Ikabi, ethnologue et aventurier, a moins de trois minutes pour photographier l’original du sulfureux Livre d’Enoch. Quel secret, dont dépend l’avenir de toutes les religions, relie les mythes de l’arche, du Déluge et des licornes ?
Université de Toulouse-Le Mirail, laboratoire du DIRS. La glaciologue Cécile Serval se trouve nez à nez avec Zak, venu lui dérober son rapport secret. C’est le début d’une course qui nous emporte de l’Arménie au Vatican, du Nakhitchevan à Hong Kong… Pour s’achever sur les flancs de l’Ararat…
Là où la vérité dépasse l’imagination.

Un roman sur les chapeaux de roues

Le roman se lit à deux cent à l’heure, ce qui tombe bien car il fait presque 600 pages ! Il est très bien construit, avec des chapitres courts, qu’il faut vite finir pour connaître la suite, et une construction autour de plusieurs personnages et lieux, ce qui permet de multiplier les points de vue. On a même des flash-back préhistoriques pour nous raconter une version de l’histoire, sur les pentes de l’Ararat, 5000 ans avant notre ère.
Les personnages sont nombreux, entre les « gentils » et les « méchants », les gentils que l’on croit méchants, les méchants qui sont vraiment méchants… bref, on se retrouve dans un monde assez bipolaire, ce qui est normal compte tenu du thème. Mais les rôles mettent du temps à se distribuer dans le roman, et durant une grande partie de la lecture on ne sait pas trop qui est qui et qu’est-ce qu’il/elle fait vraiment. Les surprises d’ailleurs sont distillées tout au long du texte, ce qui maintient un bon niveau de suspens. On passe ainsi par les états d’âmes d’une glaciologue rationaliste embarquée dans cette course poursuite aux côtés de son professeur d’université, d’un mercenaire plutôt charmant, qui fuient les Nephilim, des anges déchus ou des gardiens du temple, on ne sait pas trop, et des tueurs à gage plutôt sanglants.

Ce que j’ai aimé (on fait bi-polaire, c’est les vacances !)

Ce que j’ai beaucoup apprécié dans ce roman, c’est avant tout la qualité de l’information que nous propose l’auteur. Il s’est documenté, on le sent on le lit. En particulier autour du mythe de l’Arche de Noé et du Livre d’Enoch, que je me suis empressé d’aller trouver sur internet, même si le héros, Zak, nous précise à plusieurs reprises que ce que nous pouvons lire n’est qu’une version expurgée de l’original, planqué dans l’Enfer de la Bibliothèque vaticane. Comme je l’ai précisé, je me débrouille assez bien dans le domaine de ces textes primitifs, pour avoir lu avec attention des Evangiles apocryphes et sachant fort bien que la Bible chrétienne que nous consultons n’est qu’une construction politique de quelques barbus des siècles après la mort de Jésus. Construire un roman autour d’un texte ancien, peu connu, mystérieux, c’est un bon filon, qui marche forcément car on peut toujours tout interpréter comme on le souhaite. Quand un roman me pousse à aller sur internet pour faire des recherches sur un sujet que je ne connais pas, c’est généralement très bon signe. Je ne connaissait pas l’anomalie de l’Ararat ou les tribulations de tous ces chercheurs d’Arche qui depuis le XIXe siècle tentent de trouver des preuves de son existence.
J’ai aussi beaucoup aimé la connaissance « de terrain » que semble avoir l’auteur de cette région de l’Ararat, entre la Turquie et l’Iran, et sa connaissance également du peuple kurde que, personnellement, j’admire depuis longtemps et encore plus ces dernières années quand on voit ces hommes et surtout ces femmes partir en guerre contre les fous de dieux de Daech. On sent que Tobby Rolland est passé par ces petites villes au fin fond de la Turquie, qu’il a déambulé dans ces bazars, qu’il a visité ces églises et ces mosquées, qu’il a rencontré ces gens, qu’il a dû sans doute grimper sur les flancs du Petit et du Grand Ararat. D’ailleurs, sur le site des éditions des Presses de la Cité, on apprend que Tobby Rolland est un nom de plume (on s’en doutait) d’un diplomate français qui est passé par ces régions fascinantes du Moyen Orient.

Ce que je n’aime pas

Ce que j’ai moins apprécié dans ce roman ce sont… les licornes ;-). En fait, l’auteur part de l’hypothèse que les licornes ont bien existé et qu’elles ont été sauvées aussi dans l’Arche de Noé pour disparaître ensuite… cela m’a fait furieusement penser à la pub de Canal + il y a quelques mois où on voyait un scénariste de la chaîne de TV qui draguait en soirée en racontant cette histoire de licornes et d’Arche. J’ai eu du mal à me défaire de ces images… comme quoi, la pub est vraiment perverse !

Sinon, sans trop spoiler le texte, les licornes ici ne sont pas aussi glamour que celles que l’on peut imaginer (nous ne sommes pas dans Harry Potter).
L’autre élément qui m’a un peu freiné dans ma lecture, surtout quand le livre s’est trouvé en concurrence avec les plus de 800 pages des dissertations de philosophies de série L que j’ai dû avaler en moins d’une semaine, c’est le côté « Mission impossible » de l’histoire. Je m’explique : comme dans Mission Impossible avec Tom Cruise, les héros du roman sont sans arrêt dans des situations catastrophiques, mortelles, périlleuses, impossibles en somme. Mais à chaque fois, un miracle se produit et ils s’en sortent à tout les coups. C’est aussi comme dans les films hollywoodiens quand le héros se fait canarder par plusieurs tireurs qui à chaque fois ratent leur cible pourtant bien visible et que lui, avec son petit pistolet tire sans vraiment viser et abat à tout les coups ses adversaires ! Ce n’est pas crédible… c’est un peu la même chose ici. Qu’un personnage de fiction se trouve dans une ou deux situations difficiles, soit, cela fait partie du plaisir de la lecture. Mais quand c’est presque à tous les chapitres, à un moment, cela se voit…
Enfin, et ce n’est pas le moindre, le secret de l’Arche que l’on attend impatiemment de connaître tout au long du livre est, disons, pour le moins creux voire naïf. On ne sait plus si on est dans un roman ésotérique ou un roman de science-fiction… Raël es tu là ? Bref, cela frôle même le ridicule, mais il faut bien inventer quelque chose d’extraordinaire pour faire tenir le lecteur.

Donc, au final, La Dernière Licorne est un bon roman d’été, qui ne vous prendra pas la tête même si on aurait aimé en fait qu’il nous la prenne un peu plus avec des éléments vraiment ésotériques plus importants. Le rythme rapide des chapitre fait passer un bon moment, l’ailleurs dans un Kurdistan qui nous est inconnu est présent, mais le tout manque de subtilité et de profondeur.

 

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