Lire, écrire, compter, … s’exprimer


Durée de lecture : 3mn 14s

La rentrée scolaire vient à peine d’avoir lieu, et cette semaine, les enseignants étaient déjà en grève.
Le motif ? Un grand classique. Il s’agit d’une réforme dont ils ne veulent pas.
Je m’interroge…
Combien de réformes insensées, qu’elles aient été plébiscitées ou sciemment avortées, l’Éducation Nationale a t-elle connues depuis 50 ans ?
En France, la « durée de vie » d’un ministre de l’Éducation Nationale est d’environ 2 ans, et chacun d’entre eux ne rêve que de marquer l’histoire, en donnant son nom à une grande réforme. Ah, vanité, quand tu nous tiens !
Le scénario est donc immuable. Il faut faire vite. Des experts et des commissions doivent pondre des idées nouvelles et des méthodes révolutionnaires, afin que des rapports puis des lois pleuvent comme à Gravelotte … Alors, le ballet des postures peut commencer. Il est bien réglé, tant chacun est installé dans son carcan. Politiques, hauts fonctionnaires, hiérarchie, syndicats, corps enseignant, sans omettre les parents, qui confondent souvent le rôle de l’école avec … le leur.
Le résultat ? … Pitoyable !
Nous sommes l’un des pays occidentaux, sinon LE pays, qui dépensons le plus pour l’éducation. Près de 20% du budget de l’État sont engloutis dans ce tonneau des Danaïdes. Et non content de rater le grand défi que nous lance l’ère moderne, le niveau d’éducation des enfants ne cesse de dégringoler.

Pour continuer de se gargariser d’un taux de réussite au BAC de plus de 80%, (de ceux qui se présentent à l’examen), le niveau d’exigence est constamment abaissé.
Et pourtant … Pourtant, qu’il intervienne à 16 ans, ou plus tard, pour des étudiants victimes d’une véritable hécatombe sur les bancs des universités, l’échec du système éducatif français est une terrible réalité.
Mais de tout cela, il ne faut point parler. Et si par malheur, vous vous attachiez à rappeler les faits, à pointer du doigt le nombre de jeunes chômeurs, titulaires ou pas d’un diplôme, vous vous feriez écarteler sur la place de Grève (… quelle ironie !). Car l’on a tôt fait d’exhiber, ici, la réussite d’un enfant dont les parents sont issus d’un milieu défavorisé, là, un exemple de premier de la classe vivant dans « les quartiers » et diplômé de Sciences Politiques … C’est tellement aisé d’isoler ce sur quoi l’on souhaite ajuster les projecteurs ! Mais si je les félicite de tout coeur, je n’oublie malheureusement pas que « les exceptions confirment la règle ! »

Les faits sont têtus.
Les filières désaffectées de l’apprentissage, l’enseignement des langues étrangères et le niveau de culture générale étaient déjà alarmant, voici qu’il a été clairement démontré que trop nombreux sont désormais les enfants qui ne maîtrisent pas les bases élémentaires.
Savoir lire, écrire, compter, représente pourtant le passeport minimum d’une entrée dans la vie active… Et encore, faut-il savoir parler correctement. Mais sur cela non plus, il n’est pas correct de s’exprimer.
Cependant dans la vraie vie, quel employeur oserait prétendre qu’il n’est pas sensible à une lettre bien tournée et comportant un minimum de fautes d’orthographe ? Lors d’un entretien, quel recruteur ne se montrera pas plus attentif à la candidature d’une personne s’exprimant correctement ? Et comment un commercial pourrait-il conclure une vente, s’il ne sait pas aligner trois chiffres sur un devis devant un prospect ?
Enfin, tout bien pesé, un jeune attiré par la mécanique, capable de suivre des formations complémentaires parce qu’il maitrise ces fameux fondamentaux, n’a t-il pas plus de chance de vivre à fond sa passion ?
Soyons honnêtes ! Peu de métiers s’exercent dans un langage de SMS, ou à l’aide d’un ordinateur, sans que l’on ait besoin de comprendre le sens d’une opération.

« Mais que voulez-vous, le responsable de l’accumulation des jeunes chômeurs, c’est la crise !
Parce que, vous ne devez pas en douter, nous possédons le meilleur système de formation du corps enseignant du monde. Tous nos professeurs sont des professionnels. Les programmes scolaires sont adaptés à notre époque. Et réveillez-vous, mon bon monsieur, on n’acquiert plus les bases élémentaires comme cela se faisait à votre époque ! Aujourd’hui, l’important est de se préoccuper de savoir s’il faut maintenir, ou non, un système de notation et des examens qui ont tétanisé des générations. L’important est de supprimer toute forme de contrainte pour que les enfants laissent libre cours à leur imagination. L’important est de supprimer les matières inutiles pour diminuer les heures de cours. L’important est de proscrire les devoirs à la maison pour gommer les inégalités sociales. L’important est de donner plus de pouvoir aux parents, afin qu’ils décident si leur enfant doit redoubler ou pas, être réorienté ou pas.
Et puis, vous n’y comprenez décidément rien ! Les nouvelles technologies ont tout bouleversé. À quoi bon apprendre de nos jours à lire, à écrire et à compter ? Cela ne sert plus à rien. D’ailleurs, de quoi se mêle cette ministre de l’Éducation ? Et comment peut-elle se permettre de demander aux professeurs de restaurer au quotidien dès le CP, les dictées, les exercices de calcul mental, et la lecture à voix haute ? Bien trop traumatisant tout cela.
Et puis, madame le ministre, révisez-donc votre copie ! Il y a dictée et dictée… Vous ne maîtrisez pas le concept pédagogique ? Et bien, il existe la dictée négociée, mutuelle, caviardée, flash, … et puis aussi la twictée. Mais bon ! Il est nécessaire de créer une commission pédagogique, et …., et de toute façon, ce n’est même pas dans les programmes des autres classes ! »

Un ancien ministre martèle depuis 8 ans qu’une solution existe pour permettre aux élèves, n’ayant pu maîtriser les fondamentaux au CP, de combler rapidement leur retard. Il a lui-même rencontré tous ses successeurs, afin de défendre cette option qu’il n’a pas pu mettre en place, faute de temps.
Partout où cette solution a été utilisée, les élèves concernés ont pu poursuivre leurs études sans être décrochés dès la 6è.
Il semblerait que cela n’emporterait que peu de coûts supplémentaires, puisqu’il s’agit d’un lieu où l’enseignant est assisté d’une aide, et a donc la possibilité d’organiser sa classe d’élèves en conséquence.
De quoi s’agit-il ? Prendre la décision de faire redoubler la classe de CP aux enfants concernés.
Oui mais voilà … Le bon sens ne fait pas partie du programme au sein du monde de l’Éducation nationale, et cela serait trop traumatisant pour les parents.

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Et une réforme
Pour que toujours s’endorment
Tous les difformes

Je prends la dictée
Certes, un peu contracté
Mais, très impacté

Car il faut chiffrer
Ce gâchis non déclaré
Qui n’est pas carré

C’est l’éducation
On parle de vocation
De l’abnégation

Mais, tout est faux, faux
Tout le système prend l’eau
Comme un paquebot

Et là, s’en est trop
Jamais vu un tel fiasco
On l’a dans le dos

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