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Tableau de Paolo Merloni

La cigarette

Une cigarette je l’ai fumée en me levant
la bouche encore à la saveur d’orange.
Une autre je l’ai allumée sur le palier
avant de me précipiter en bas de l’escalier
et m’apercevoir que j’avais oublié
le livre que tu m’avais prêté.
Une autre encore, j’ai dû en fumer à l’école
durant l’intervalle. Une autre avec toi
parce que tu riais, une autre tout seul,
renfermé avec un disque. J’espérais,
en fumant, de réussir bien les deux choses :
entendre ta voix de verre parmi les sons
imaginer ta taille de guêpe parmi les gestes.
Une autre cigarette pour ne penser qu’à toi
gênée par le mal à l’estomac de la faim.
Une autre pour abattre le mal de la mer,
la nausée de me voir encombrant, inepte,
suspendu dans l’air ; une autre cigarette
en étudiant, chantant, déféquant, pissant
faisant l’amour, après l’avoir fait…
mais, il ne m’arrive jamais :
de faire l’amour je veux dire.
Une autre cigarette devant le téléphone.
Le mégot me brûlait les mains
et toi, indéchiffrable… la conversation
c’était comme escalader une glace.

002_la sigaretta 740

L’avant-dernière cigarette je l’ai fumée
dans les pas de galérien de la chambre
au milieu des petits bruits meurtris
du papier que je déchire
de la plastique que j’incendie
de la nuit que je précipite,
en dépit de l’insomnie, de la rage
du désir violent d’avoir vécu.
Une dernière cigarette, encore plus pénible
(dépourvue de sens
comme un geste fade qui reste secret
désolée et vaine
comme une attente
de plus en plus morbide)
va mourir sur mes lèvres
dans l’air asphyxiant
du petit matin.

Giovanni Merloni

TEXTE ORIGINAL EN ITALIEN 

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