La mémoire dans la peau

Un homme inconscient est sauvé par un bateau de pêche alors qu’il dérive en mer avec deux balles dans le dos. A son réveil, l’inconnu a tout oublié mais fait preuve d’impressionnantes capacités dans différents domaines. Il excelle, notamment, dans le combat au corps à corps et le maniement des armes.
Rapidement pourchassé par des hommes qui tentent de l’éliminer, il va devoir faire appel à ses remarquables compétences pour survivre et découvrir son identité.

Avec cette libre adaptation d’un roman à succès de Robert Ludlum, Doug Liman réinvente le film d’espionnage musclé dont un certain James Bond s’était fait une spécialité et donne un coup de vieux aux aventures du célèbre espion britannique.
Même si ses exploits sont également hors du commun, Jason Bourne semble plus en phase avec son époque et séduit par les façons « plausibles » qu’il a de se tirer d’affaire, comme d’utiliser le plan d’évacuation d’un bâtiment pour en trouver les issues de secours.
Plus habitué, à l’époque, aux rôles psychologiques que physiques, le choix de Matt Damon pour interpréter le rôle principal est une vraie surprise mais se révèle un choix judicieux. Le comédien, avec son physique de gentil garçon, apporte une réelle épaisseur au personnage et facilite l’empathie du spectateur, étonné de le voir affronter ses adversaires dans des combats violents et rugueux.
Si la mise en scène fluide et efficace de Loug Liman fait merveille : d’une impressionnante bagarre dans un appartement parisien (où l’objet le plus anodin se transforme en instrument de mort) à une ébouriffante course poursuite en Austin Mini, elle sait aussi se faire plus sobre, voire carrément sombre, lors de l’affrontement au milieu d’un champ entre Matt Damon et Clive Owen, impeccable en tueur à lunettes froid et mutique.
La qualité du scénario de Tony Gilroy (futur réalisateur des excellents Michael Clayton et Duplicity) participe pour beaucoup à la réussite du film. Malgré quelques invraisemblances, il parvient intelligemment à tenir le spectateur en haleine en exploitant au mieux les nombreuses zones d’ombre du récit et des personnages, l’amnésie du héros étant particulièrement propice aux rebondissements et coups de théâtre.
Bénéficiant d’une superbe photographie et porté par la chanson de Moby, Extreme Ways, qui lui donne son identité musicale, La mémoire dans la peau est, dans sa catégorie, une indéniable réussite.
Sans lui, Casino Royale de Martin Campbell n’aurait sans doute pas existé sous la forme âpre et noire que nous lui connaissons. Belle reconnaissance.