« Salariés libérés, performance assurée? » échanges avec Isaac Getz et Mehdi Berrada

“Salarié-e-s libéré-e-s, performance assurée ? A la rencontre d’entreprises à contre courant qui font une confiance totale à leurs collaborateurs et leurs collaboratrices » : c’était le sujet qui interpellait les près de 200 participants à la soirée «Vivre l’économie autrement» du Centre du Hautmont près de Lille début décembre.

Soirée Salariés libérés 6 déc Salle complète

Dans un monde qui ne sait plus très bien où il va, devant les incertitudes qui raccourcissent nos horizons, quand le pragmatisme semble être devenu synonyme de « baisse la tête, avance et tais-toi » ce sujet peut apparaître un rien provocant. Parler d’entreprises libérées, de bonheur pour être performant, d’autonomie, de liberté, de responsabilité ou de pouvoir confié à ceux qui font, c’est effectivement parler de pratiques managériales à contre-courant. Pourtant des entreprises ont initié ce chemin, parfois long et semé d’embûches, d’une libération des énergies permettant d’atteindre des performances avec des salarié-e-s, non seulement engagé-e-s mais heureux-ses !

Trois intervenants qui ont étudié, accompagné ou mis en place ce type d’organisation nous ont partagé leurs visions et expériences.

Isaac Getz (conférence Vivre l'économie autrement)Isaac Getz, professeur à l’ESCP Europe, est l’auteur du livre «Liberté et Cie» qui décrit les histoires étonnantes de Gore, FAVI, SOL, Harley Davidson,… Pendant cinq ans, Isaac a étudié ces « entreprises libérées » et rencontré leurs dirigeants et leurs salariés. Sa recherche a permis de mettre en évidence le type de leadership que requiert une telle révolution managériale.

Mehdi Berrada (conférence Vivre l'économie autrement)Medhi Berrada, directeur général adjoint du Groupe Poult, a vécu de l’intérieur la transformation d’une PME de 1600 personnes d’un mode de management paternaliste et pyramidal vers un leadership qui donne toute latitude aux salariés pour créer et innover. Il a apporté un témoignage vivant sur la façon dont le leader des biscuits à marque distributeur s’est engagé dans cette aventure et sur les résultats que cette démarche a permis.

Laurent Marbacher (conférence Vivre l'économie autrement)Laurent Marbacher, innovateur social et accompagnateur d’entreprises comme Poult depuis plusieurs années, anime un groupe de partage d’expériences de leaders qui ont choisi le chemin de l’entreprise libérée. A propos de l’ouvrage Liberté & Cie qui sert de référence à l’intervention, Laurent écrivait dans Les Échos : « Il trace un chemin pour refonder le pacte entre les organisations et le milieu humain avec lequel elles se développent. »

RCF à la demandeEn guise d’introduction à ce sujet enthousiasmant mais qui peut également soulever de nombreuses interrogations, voici l’interview sur Radio RCF donnée le même jour par Isaac et Laurent (18′) > cliquez pour écouter

Quel est l’engagement des salariés aujourd’hui ?

Logo Gallup L’organisation internationale Gallup mesure de manière régulière depuis 1997 l’engagement des employés sur une échelle de cinq points autour de 12 questions – l’enquête Q12 – dans 9 pays différents. L’enquête classe les salariés en 3 catégories :

1. Les salariés engagés : motivés, prescripteurs des produits et des stratégies de leur entreprise ; créateurs de valeur, Isaac Getz les compare à des « poules aux œufs d’or. »
2. Les salariés non-engagés : ces collaborateurs effectuent leur tâche avec une relative neutralité, « ils arrivent pour repartir », parfois en regardant les heures défiler ; ce sont de « vieux chevaux fatigués »
3. Les salariés activement désengagés : ces salariés ont une vision négative de leur entreprise et vont jusqu’à lutter contre les intérêts de cette dernière. Isaac les surnomment les « renards… mangeurs de poules aux œufs d’or »

En France, l’enquête réalisée avec l’Ifop, montre une relative stabilité dans les différentes entreprises sondées et affiche des résultats surprenants par rapport au manque d’engagement d’une majorité écrasante de salariés : à peine un peu plus d’un salarié sur 10 est engagé !Sondage Gallup sur l'engagement des salariés

Nous n’entrerons pas dans une analyse approfondie de ces chiffres, les auteurs de l’étude précisant par ailleurs que les non-engagés basculent facilement dans l’une des deux autres catégories, selon les circonstances pour rétablir peu ou prou ces proportions. A tous ceux qui seraient tentés de trouver une réponse simple à cette problématique complexe, par exemple en mettant dehors les 28% d’activement désengagés, Isaac prévient qu’une nouvelle génération spontanée viendrait rétablir l’équilibre de ce milieu vivant !

L’interpellation posée par l’auteur de Liberté & Cie est alors la suivante : pensez-vous vraiment que 9 personnes sur 10 soient naturellement dans une posture passive voire résolument contraire aux objectifs de l’entreprise ? Au moment de leur recrutement, une telle proportion est-elle déjà encline à ne pas contribuer positivement au développement du projet commun ? Bien évidemment non ! La question est donc de comprendre les conditions qui font que, plus ou moins rapidement, ce type de neutralité passive ou malveillante s’inscrit dans les manières de faire au quotidien. Une piste évoquée pour décrire la cause de cette déperdition d’énergie et de déviance par rapport aux objectifs de l’entreprise est la bureaucratie hiérarchique qui se met en place à différents niveaux dans nos organisations.

Le problème du manque d’engagement des salarié-e-s étant environnemental, vive les leaders jardiniers !

De même que tirer sur une fleur fanée ne lui fait retrouver ni vigueur ni ne la fait grandir, il faut plutôt veiller à ce qu’elle ait de l’eau et les minéraux dont elle a besoin pour se développer toute seule, les leaders d’entreprises sont appelés à être les jardiniers de l’écosystème qui favorisera la croissance et l’épanouissement de chaque salarié-e.

La question qui nous est posée rejoint celle de Bill Gore, de l’entreprise du même nom connue notamment pour son textile respirant le Gore Tex : « Quel genre de leaders nous faudrait-il pour obtenir des salariés qu’ils s’autoaniment et arrivent à assurer eux-mêmes la bonne marche et la coordination de leurs activités professionnelles ? »

Repensez l’organisation en libérant l’initiative et la responsabilité de tous !

« Chaque fois que l’on dit à un subordonné comment faire son travail on le déresponsabilise encore un peu plus. Cessons donc de le dire aux salariés et commençons à écouter ce qu’ils ont à proposer »  indique Isaac. « Les leaders libérateurs construisent un environnement qui épouse et nourrit la nature humaine — plutôt que lutter contre elle. »

Cet environnement prend en compte trois besoins fondamentaux :

– un environnement dans lequel chacun est traité en tant qu’intrinsèquement égal : les salariés ont alors envie de prendre des initiatives;

–  un environnement dans lequel chacun peut se développer : les salariés sont ainsi capables de mener à bien leurs initiatives;

–  un environnement dans lequel chacun peut s’auto-diriger : les salariés ont la possibilité de réaliser leurs initiatives.

Dans ces extraits du film « L’entreprise libérée » de l’agence Eikos, les propos d’Isaac sont complétés par les témoignages de Jean-François Zobrist de FAVI en Picardie et de Michel Munzenhuter de SEW Usocome en Alsace et de leurs équipes respectives. Ils décrivent de manière très concrète – et parfois amusante ! – la manière dont l’environnement culturel d’une organisation, le style de management, influence et imprègne l’engagement de chaque personne.

SOL ou la révolution du travail joyeux en Finlande

L’exemple de l’entreprise de nettoyage de bureaux SOL en Finlande est emblématique de ce Liisa Joronen SOLtype de transformation managériale. Quand Liisa Joronen hérite de la branche nettoyage de l’entreprise familiale de blanchisserie Lindström, elle est frappé du manque de considération ressenti par ses agents « que personne ne voit » et qui travaillent de fait en dehors des horaires de bureaux. L’organisation a été modifiée afin qu’ils travaillent le jour, ils ont troqué leurs uniformes anonymes pour des tenues qu’ils ont choisi jaune et rouge, « pour être vus de tous. » Cette nouvelle dynamique leur a permis de créer des liens avec leurs clients, de mieux connaître leurs besoins et de devenir force de proposition pour de nouvelles prestations, à plus forte valeur ajoutée. La révolution du travail joyeux était en marche. Pas de hiérarchie, pas de bureaux attitrés, même pour la flamboyante patronne, pas d’horaires de travail, un siège social excentrique où chacun insuffle l’esprit maison : se comporter comme son propre manager.

Agent de nettoyage SOLLes résultats sont là : n°2 en Finlande des services de nettoyage, l’entreprise connaît une croissance moyenne de 15% depuis l’arrivée de Liisa en 1992 avec un chiffre d’affaires de 210 millions d’euros, un total de 10.000 employés et une marge trois fois supérieure à celle du marché.

« SOL est parmi les quatre entreprises les plus innovantes au niveau managérial au monde, c’est un des exemples les plus avancés de management décentralisé » indique Shoji Shiba, professeur au MIT. Pour sa part, Isaac Getz a été très marqué par ses différentes visites à Helsinki. Liisa Joronen qui a aujourd’hui passé la main à ses enfants à la tête de SOL résume ses principes de la manière suivante : « Chacun veut être bon, faire un bon travail. Les gens ne sont pas paresseux. J’ai eu quelques déceptions mais rien n’a ébranlé cette conviction. Les gens ne sont pas mauvais. On les traite d’une mauvaise manière… Bien sûr, SOL n’est pas un paradis pour chacun mais nous avons crée des gens ambitieux et les avons libérés des règles et régulations inutiles.»

L’importance du « pourquoi on y va »

Albert Einstein signalait déjà toute la valeur de redonner sens et bonheur à nos actions : « La raison la plus motivante de travailler se trouve dans le plaisir que l’on y trouve, dans le plaisir du résultat atteint, et dans la connaissance de la valeur de ce résultat pour la communauté. » Les perspectives de développement des entreprises où la prise d’initiative de chacun est devenue centrale sont illimitées. La mise en place de ce type de management requiert de certaines conditions. En particulier le cap doit être défini et partagé. Isaac Getz insiste à plusieurs reprises sur l’importance de la mission dans les entreprises libérées : « Plus une entreprise veut accorder de liberté aux salariés, plus elle doit définir clairement la mission, la vision, la stratégie et les valeurs. »

Le courage du « lâcher-prise »

Piloter une entreprise de libération d’une organisation remet profondément en cause le rôle des managers en déplaçant le barycentre du pouvoir et ses nombreux attributs. Les leaders et tout le management doivent réinventer leur rôle, créer de la valeur différemment. Laurent Marbacher souligne qu’il faut du courage et une bonne dose de confiance en soi et dans les autres pour oser ce lâcher-prise, car pour une part, c’est un voyage en terre inconnue. C’est le vécu au quotidien de Mehdi Berrada chez Poult où pour que le moteur de l’innovation repose sur l’expression permanente des employé-e-s, il doit pouvoir sacrifier le pouvoir de dire aux autres « comment faire » (> voir l’article sur le sujet)

Poult, un biscuitier innovant

Biscuits Emile PoultPoult est devenu un industriel majeur dans l’industrie du biscuit sucré avec 20% des volumes commercialisés en France sous marques de distributeurs. Avec cinq usines en France et trois sites de production en Pologne qui totalisent 1.600 employés, cette entreprise née en 1883 a évolué d’une stratégie de volume avec des rachats successifs vers une stratégie d’innovation. A l’occasion du rachat de l’entreprise bretonne Panier-Tanguy – de même taille – en 2005, les dirigeants ont souhaité redéfinir le projet d’entreprise et la manière de le mener à bien, dans un souci d’adaptabilité et d’innovation permanente.

Mehdi BerradaMehdi Berrada – après une brillante carrière de banquier d’affaires chez Rothschild – change radicalement de style d’organisation pour rejoindre cette aventure, attiré par la vision entrepreneuriale centrée sur une la place de l’homme au cœur du système de son ancien client et PDG de l’entreprise, Carlos Verkaeren. Ce dirigeant veut donner toute latitude aux salariés pour créer et innover, un facteur de croissance essentiel dans un secteur hautement concurrentiel.

Leurs croyances se déclinent sur trois plans : l’Homme a une forte capacité d’adaptation ; il a un potentiel gigantesque d’inventivité et, dans grande majorité des cas, il est honnête. Il s’agit donc de créer une culture favorable à l’expression de ces qualités. Les ingrédients indispensables sont la confiance, la liberté, la transparence, la décentralisation déhiérarchisée et enfin la responsabilité vis-à-vis des clients et de ses pairs.

Logo Groupe POULTPour passer de la théorie à la pratique, un groupe de travail de 17 membres volontaires a travaillé pour proposer une organisation à l’ensemble de l’entreprise. Rapidement quelques principes ont émergé : le client au centre des préoccupations de tout le monde, des équipes transversales autonomes et responsables, une organisation en réseau, sans silos qui simplifie et raccourcit les circuits de décisions et une appartenance à plusieurs équipes.

Chez Poult, les budgets ont disparu !

Le budget est l’outil de contrôle par excellence des organisations. Il permet de suivre les objectifs négociés avec la hiérarchie et le suivi régulier des écarts avec la réalité occupe beaucoup de monde et beaucoup de temps… « Dans un contexte de plus en plus imprévisible, la valeur ajoutée de ce reporting permanent est apparue comme contradictoire avec la volonté d’adaptabilité et d’innovation permanente de l’entreprise. Le budget n’est donc plus l’outil de management global de l’entreprise. Il a été remplacé par un outil prévisionnel simplifié et facilement révisable » précise Mehdi. Projeter l’avenir étant une science de plus en plus approximtive, la performance se mesure principalement par rapport au réalisé sur la période précédente et par benchmark avec la concurrence. Ainsi, dans le processus d’autonomisation et de responsabilisation de chaque personne, les frais sont engagés librement en fonction des besoins des projets.

Un « animateur de site » choisi par les opérateurs

Recrutement, fixation des rémunérations, mise à disposition de tous des résultats et des projets stratégiques : d’autres bastions traditionnels du pouvoir des dirigeants tombent au profit d’une contribution renforcée de chaque femme et de chaque homme de cette entreprise. A l’occasion du départ en retraite du directeur d’un des sites de production, un appel à candidature interne a été lancé. Un collectif d’une quinzaine de personnes s’est constitué sur la base de la cooptation par métier et lignes de production pour que l’ensemble des opérateurs soit représenté. Ce groupe s’est réuni préalablement pour définir les attentes et les critères du poste. Les entrevues des trois candidats se sont faites de manière collective et la décision fut également celle du collectif.

> Voir l’article de janvier 2011 dans L’Expansion à l’occasion du Prix du Management de l’Innovation décerné à Poult

> Voir l’article « Poult : plus d’autonomie pour le salariés »  dans la Dépêche du Midi

Les histoires des entreprises libérées sont enthousiasmantes. Les différents exemples montrent que c’est un chemin exigeant et progressif. Il faut entre trois et dix ans pour devenir vraiment « libres » et « superperformants ». Néanmoins, dès aujourd’hui, ces illustrations nous invitent à réfléchir au type d’environnement que nous voulons créer pour manifester que l’homme est bon, et par là même, permettre son développement, son engagement et la création de valeur qui en découle.

Cette intervention a eu lieu le 6 décembre 2012 dans le cadre des soirées « Vivre l’économie autrement » organisée au Centre du Haumont à Mouvaux.

A propos Nicolas Cordier

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28 commentaires pour « Salariés libérés, performance assurée? » échanges avec Isaac Getz et Mehdi Berrada

  1. Matthieu dit :

    Bonjour Nicolas, merci pour l’organisation de cette conférence stimulante, qui fait réfléchir et donne envie d’agir et de manager différemment. Et merci pour la qualité de votre compte-rendu qui me permet de propager plus largement la bonne parole!

    • Merci de votre retour sur cette deuxième soirée Vivre l’économie autrement, rendez-vous le 12 mars prochain autour du sujet « Au coeur d’un monde difficile, des hommes et des femmes agissent. Osons parler des solutions qui marchent »

  2. bragmanbe dit :

    un superblog ! merci de partager tout ça…moins vivant mais relevant voici le mien http://cirquedegens.wordpress.com/

  3. bragmanbe dit :

    A reblogué ceci sur cirquedegens and commented:
    super blog et contenu par Nicolas Cordier, attention ça parle éthique !

  4. Bravo pour ce magnifique riche et très bien construit, plus important encore: très inspirant! Je le partagerai sur mon blog.

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  9. Merci de cet article très complet, j’en parle sur mon site !

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