Médias sociaux : passer de la communication traditionnelle à la communication relationnelle

Le livre « Communiquer sur les réseaux sociaux » d’Antoine Dupin apporte une réflexion sur les nouvelles logiques de communication. Outre l’intérêt de dresser un panorama assez complet des médias sociaux aujourd’hui, il présente également l’avantage de comporter de nombreux exemples de cas concrets.

J’ai retenu de la lecture de cet ouvrage trois fondamentaux à prendre en compte pour la mise en place d’une stratégie de communication 2.0 : connaître sa réputation numérique, ne pas confondre pertinence et visibilité, passer de la communication traditionnelle à la communication relationnelle.

Connaître sa réputation numérique (et celle de ses concurrents…) : préalable à toute communication sur les médias sociaux

Dans son ouvrage, Antoine Dupin rappelle la distinction à faire entre réputation numérique et identité numérique, cette dernière étant la « manière dont l’entreprise se présente elle-même sur internet » et cite à cette occasion Chris Anderson : «  votre marque n’est pas ce que vous en dites, mais ce que Google en dit. »

Avant de mettre en oeuvre une stratégie de communication sur les médias sociaux, il rappelle qu’il est important de connaître son environnement et sa réputation numérique, notamment en mettant en place une veille. Cette veille devra prendre en compte trois types d’information : l’information visible (catalysée dans les moteurs de recherche), l’information transparente (non indexée dans les moteurs de recherche mais présente sur des médias sociaux) et l’information invisible (échanges privés via des profils privés, des messageries privées ou le tchat). Il indique à ce titre, que la solution la plus adaptée est Hootsuite.com qui permet de réaliser une veille sur certains mots clés sur différentes plateformes telles Linkedin, Facebook, Twitter…

Quant à l’analyse des sentiments, celle-ci est le défi de nombreuses sociétés développant des logiciels dont le but est  de détecter les sentiments positifs ou négatifs, citons notamment les logiciels Synthesio, TrendyBuzz et AMI software.

Ne pas confondre pertinence et visibilité

Choisir le bon lieu d’expression en fonction de sa stratégie implique de ne pas confondre pertinence et visibilité. Antoine Dupin met en garde contre la tentation de mimétisme des entreprises de vouloir être visibles sur certains médias sociaux, parce que les concurrents y sont, sans s’interroger sur la pertinence de cette décision. Cela nécessite de définir une stratégie claire en amont. Et de rappeler la règle d’or : mieux vaut une communauté qualifiée que quantifiée. Comme pour toute réflexion stratégique il convient de répondre à plusieurs questions, présentées dans l’ouvrage d’Antoine Dupin, que je synthétise ici en utilisant la méthode des 5W + 1H :

WHY : Encourager le dialogue, promouvoir des ambassadeurs de la marque, faciliter le service après- vente, inciter à l’innovation, créer du trafic, …

WHEN : Communiquer sur les médias sociaux implique de prendre en compte le bon timing pour publier une information, d’être réactif et impose une discipline de régularité

WHO : Connaître sa cible à travers la segmentation (spécificités, âge, localisation), typologie de communautés (communautés d’affinités, d’admiration, d’implication, de connaissances, relationnelles), codes sociaux, niveau d’interaction

WHAT : Définir un positionnement objectif (concret, attributs du produit/service), subjectif (irrationnel, mythe, sphère onirique). Sur les médias sociaux, Antoine Dupin indique qu’il est préférable de choisir un positionnement objectif, ancré dans le réel, pour créer un dialogue. Ce positionnement permettra de définir la ligne éditoriale des contenus.

HOW & HOW MUCH : La manière de communiquer est évidemment différente en fonction de l’orientation BtB ou BtC. Dans la logique BtB, c’est l’expertise de l’entreprise (par le biais de ses employés) qui est valorisée, avant même ses produits. L’interlocuteur est un expert désigné en interne. Dans la logique BtC, l’objectif est de valoriser le consommateur au-delà de la société en l’intégrant dans des processus d’engagement autour de contenus spécifiques. « Social media means you have to be consumer centric, not product centric » Jason Falls. L’interlocuteur est le community manager. La majorité des médias sociaux sont accessibles gratuitement, mais la personnalisation d’options spécifiques sur certaines plates-formes entraine des coûts auxquels s’ajoutent les coûts des agences (graphisme, applications, formations…), les salaires pour l’animation de la communauté.

WHERE : Il est nécessaire de connaître la typologie des plates-formes de médias sociaux ainsi que leur fonctionnement afin de choisir le média le plus adapté par rapport à ses objectifs de communication :

Panorama des médias sociaux et de certains objectifs associés

L’ouvrage d’Antoine Dupin dresse un panorama assez complet des principaux médias sociaux que j’ai  synthétisé dans le tableau ci-joint en y ajoutant les objectifs associés à chacun d’eux.  J’ai rajouté Google+ qui n’est pas évoqué dans ce livre édité en 2010 et quelques autres plateformes récentes (évidemment non exhaustif).

En préambule à ce panorama, il est utile de rappeler la définition des médias sociaux telle que donnée dans cet ouvrage : les médias sociaux sont « l’ ensemble des plates-formes en ligne créant une interaction sociale entre différents utilisateurs autour de contenus numériques (photos, textes, videos). »

Passer de la communication traditionnelle à la communication relationnelle

Antoine Dupin affirme que « L’une des grandes erreurs que commettent les entreprises est d’appréhender les médias sociaux selon les mécanismes de communication traditionnelle, à savoir de manière statique là où ils sont avant tout relationnels. »

Le passage d’une communication verticale (one to many) à une communication horizontale (one to one) nécessite une adaptation des pratiques et de l’organisation au sein des entreprises.

Comme l’indique à juste titre Fabrice Epelboin dans sa préface, « L’internet est un problème que seule une direction générale d’entreprise peut aborder ; tant qu’il reste dans les mains d’un service en particulier, on se contentera, au mieux, de ballon d’essai. »

C’est effectivement une mutation profonde qui attend l’entreprise, à savoir de favoriser une approche globale des médias sociaux où ces derniers seront complètement intégrés dans l’entreprise. Il est intéressant de lire à ce sujet les tendances exposées par Social Media Today notamment l’idée de « decentralized social media » : « What we’re seeing is that social media is becoming integrated into the whole organization ».

Antoine Dupin insiste sur la nécessité de former les salariés à la pratique et aux enjeux des médias sociaux, de créer des pôles de compétences autour des différents départements, forces commerciales, ressources humaines … et rappelle les disciplines dans lesquelles l’entreprise va devoir former ses collaborateurs : techniques de management de communautés, pratiques d’optimisation pour les moteurs de recherche (SEO), rédaction de contenus.

A ce sujet, on peut accéder sur le blog d’Antoine Dupin  à une étude intéressante réalisée par l’agence Insites sur 400 senior marketing managers du marché US & UK qui révèle notamment que 14% des sociétés ont mis en place une intégration totale des médias sociaux dans leurs processus de travail et que les principales barrières dans l’entreprise pour l’intégration totale des médias sociaux sont l’incapacité à mesurer le ROI (48%) et le manque de soutien de la direction (39%).

J’ai trouvé intéressant que dans son approche, Antoine Dupin, évoque les « influenceurs » pas seulement à l’extérieur de l’entreprise mais également ceux qui sont internes à l’entreprise.

Lorsque l’on parle de médias sociaux, on est en effet souvent focalisé sur la capacité de l’entreprise à repérer parmi les internautes les personnes influentes, qui vont pouvoir jouer un rôle de relais pour une marque. Antoine Dupin présente d’ailleurs à ce sujet les différents niveaux d’engagement que l’on peut identifier au sein d’une communauté, allant d’un premier niveau se limitant à de l’échange d’information, jusqu’au 3ème niveau qui fait de l’internaute un « média à part entière » (contribue à la création de contenus, recommande la marque auprès de ses propres communautés). Ces fameux influenceurs que l’on nomme souvent « brand advocates » ou « évangélistes ». A ce titre, il est utile de retenir la règle d’interaction sur les médias sociaux citée dans l’ouvrage : « 1-9-90 » : 1% des internautes créent du contenu, 9% le partagent et agissent dessus en le modifiant ou en y apportant des commentaires, et 90% le lisent.

Mais une des clés d’une stratégie de communication relationnelle efficace est justement d’identifier les forces en interne. Le collaborateur est un des premiers relais de la réputation numérique de l’entreprise.

La tendance de fond étant que la marque se mue en média, cela implique que l’entreprise identifie parmi ses collaborateurs quels sont ceux qui ont les capacités à devenir des « influenceurs ». Et comme le prédit Social Media Today sur son blog dans ses tendances 2012 « companies and organizations will start thinking like journalists ».

Comme l’assure Diane Baudry, alors qu’actuellement, 64 % des entreprises françaises bloquent l’accès aux médias sociaux, « Les entreprises commencent à comprendre que la sensibilisation des collaborateurs au bon usage des médias sociaux et des outils Web 2.0 constitue la clef du changement. »

Antoine Dupin met en évidence que les éléments clés sur lesquels l’entreprise va devoir s’appuyer sont l’interopérabilité (« un des plus grand chantier de demain »), la géolocalisation et l’hypersegmentation. Le succès d’une stratégie de communication 2.0 dépendra de la capacité de l’entreprise d’instaurer une communication relationnelle avec des internautes aux profils devenant hyperqualifiés, capacité à « penser un nouveau modèle non intrusif de communication »

Quel avenir pour les médias sociaux ?

Dans la préface du livre, Fabrice Epelboin annonce «  Demain, toutes les entreprises seront des médias, et tous les médias seront sociaux.  »

Yves del Frate – Havas Media France – prolonge cette idée dans son article paru dans le magazine Stratégies du 8 décembre, en affirmant que « la valeur de la marque demain est dans sa valeur média aujourd’hui ». Selon lui, le modèle économique d’Apple avec la création des Apple Stores physiques et virtuels a été le précurseur d’une mutation profonde abolissant les frontières entre média, marque et point de vente, et faisant de « l’audience de marque » l’indicateur de performance suprême.

Et pourtant, un « courant » contraire pose la question de la pérennité des médias sociaux. Comme l’évoque Hervé Kabla, « quatre phénomènes menacent en effet la pérennité des médias sociaux : l’explosion exponentielle des contenus, la saturation des utilisateurs, l’évolution des interfaces et la banalisation du web conversationnel. »

Comme le conclut Antoine Dupin dans son ouvrage, il ne faut pas « perdre son temps à animer des espaces qui seront obsolètes dans quelques mois mais s’accaparer les lieux d’expression qui auront été analysés et jugés, par leur pertinence, à s’inscrire dans la longévité. » Et c’est là toute la difficulté, qui peut prédire aujourd’hui ce que seront Facebook ou Google+ dans 5 ans ?

A défaut de pouvoir prévoir les évolutions futures, on peut continuer de se concentrer sur ce qui sera toujours valable, à savoir apporter un sens et un service utile à l’utilisateur, peu importe le média, ce qui compte c’est le contenu, comme je l’évoquais dans l’article sur la stratégie de contenu…Tout comme pour le cycle de vie d’un produit, si l’on considère aujourd’hui que les médias sociaux sont dans leur phase de croissance, alors anticiper la phase de maturité pour repousser le plus loin possible un risque le déclin passe par les ingrédients indispensables que sont la fidélisation et l’innovation.

Avancer en maturité cela implique également de revoir les principes du mix-marketing. Et c’est ce sur quoi insiste Antoine Dupin en présentant une redéfinition des 4P (prix, produit, publicité, place) du marketing social proposée par Lisa Bradner dans un rapport Forrester :

Permission : c’est l’internaute qui décide s’il accepte de s’engager ou d’interagir (adapter les contenus aux attentes des consommateurs, délivrer un message qui ne correspondra plus à ce que l’entreprise veut valoriser mais à ce que le consommateur autorise)

Proximité : le message doit prendre en compte les spécificités de chaque communautés, être adapté aux utilisateurs en fonction de leurs valeurs

Perception : les médias sociaux permettent aux entreprises d’engager l’utilisateur partout où il se trouve, il faut respecter ce qu’il veut montrer

Participation : inviter l’internaute à sa propre expression

En matière d’innovation, on ne peut qu’approuver l’importance soulignée par Antoine Dupin de l’interopérabilité. Et le mobile sera un des éléments clés de l’interopérabilité, servant de relais entre le monde virtuel et le monde physique. Comme l’affirme Philippe Rodriguez, vice-président d’EBG, « le meilleur endroit pour faire du social media c’est le mobile ».

L’innovation passera également de plus en plus par la notion de co-création où les médias sociaux seront un lieu d’échange stimulant pour l’entreprise comme pour le client potentiel. Antoine Dupin évoque le Crowdsourcing « approvisionnement par la foule », qui repose sur des mécanismes similaires à l’outsourcing, à savoir l’externalisation de certaines fonctions de l’entreprise. « C’est la capacité de l’entreprise de faire appel à l’intelligence collective des internautes dans le but de créer une synergie de compétences. »

L’avenir des médias sociaux va donc surtout dépendre de l’usage que les entreprises vont en faire et de leur capacité à répondre aux vrais besoins des consommateurs, via la participation collaborative notamment, pour mieux adapter les produits et services pour le quotidien.

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9 commentaires pour Médias sociaux : passer de la communication traditionnelle à la communication relationnelle

  1. Antoine Dupin dit :

    Hello, un grand merci pour votre article 🙂 Au plaisir d’en discuter

    • chopina94 dit :

      Bonjour,
      ravie que mon article ait attiré votre attention:). J’ai apprécié votre livre qui m’a permis de prendre du recul sur l’analyse des médias sociaux. Il a le mérite d’apporter une réflexion tout en étant très pratique (nombreux exemples et présentation des outils disponibles). C’est un très bon éclairage qui contient beaucoup de thématiques d’actualité, notamment interopérabilité et communication traditionnelle vs relationnelle, qui sont des sujets qui m’intéressent particulièrement…

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  6. Amigouet dit :

    En tout cas on peut dire que vous avez l’art et la manière de « viraliser » votre engouement pour un livre que je vais sans nul doute acheter! Merci pour la mise en bouche! Et félicitation d’avance à Antoine Dupin pour ce qui me semble être un ouvrage objectif et avant-gardiste (pointant le doigt sur une révolution cataclysmique du paysage marketing encore trop occultée par les entreprises – Notamment en Belgique ou je réalise mon mémoire sur le sujet)

  7. Margaret W. dit :

    It’s difficult to find knowledgeable people about this topic, however, you seem like
    you know what you’re talking about! Thanks

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